Page:Goethe-Nerval - Faust 1828.djvu/10

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per pour séduire ; et ce qu’il entend par séduire, c’est servir les passions d’un autre ; car il ne peut même faire semblant d’aimer : c’est la seule dissimulation qui lui soit impossible. »

Je crois qu’il était difficile de mieux peindre Méphistophélès ; cette appréciation est bien digne de l’ouvrage qui l’a inspirée ; mais où le sublime caractère de Faust serait-il mieux rendu que dans cet ouvrage même, dans ces hautes méditations, auxquelles la faiblesse de ma prose n’a pu enlever tout leur éclat ? Quelle âme généreuse n’a éprouvé quelque chose de cet état de l’esprit humain, qui aspire sans cesse à des révélations divines, qui tend, pour ainsi dire, toute la longueur de sa chaîne, jusqu’au moment où la froide réalité vient désenchanter l’audace de ses illusions ou de ses espérances et, comme la voix de l’Esprit, le rejeter dans son monde de poussière ?

Cette ardeur de la science et de l’immortalité, Faust la possède au plus haut degré ; elle l’élève souvent à la hauteur d’un dieu, ou de l’idée que nous nous en formons, et cependant tout en lui est naturel et supposable ; car s’il a toute la grandeur et toute la force de l’humanité, il en a aussi toute la faiblesse ; en demandant à l’enfer des secours que le ciel lui refusait, sa première pensée fut sans doute le bonheur de ses semblables, et la science universelle ; il espérait à force de bienfaits, sanctifier les trésors du démon, et à force de science, obtenir de Dieu l’absolution de son audace, mais l’amour d’une jeune fille suffit pour renverser toutes ses chimères : c’est la pomme d’Éden, qui au lieu de la science et de la vie n’offre que la jouissance d’un moment, et l’éternité des supplices.

Les deux caractères dramatiques qui se rappro-