Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/245

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montagneux, une race audacieuse s’est établie, sortie de la nuit cimmérienne ; elle a construit une tour inaccessible, d’où elle maltraite, selon ses désirs, et le sol et ceux qui l’habitent.

HÉLÈNE.

Quoi ! ils ont pu accomplir chose pareille ? Cela semble impossible.

PHORKYAS.

Ils avaient assez de temps ; il y a une vingtaine d’années que cela s’est passé.

HÉLÈNE.

Y a-t-il un seul maître ? Sont-ce des brigands ? sont-ils nombreux et alliés ?

PHORKYAS.

Ce ne sont point des brigands ; mais l’un d’eux est le maître de tous. Je ne l’attaque pas par des paroles, bien qu’il m’ait déjà visitée ; il ne dépendait que de lui de tout prendre ; mais il se contenta de quelques dons libres : c’est ainsi qu’il les nomma, mais non comme tribut.

HÉLÈNE.

Quel air a-t-il ?

PHORKYAS.

Il n’est point mal ! Il me plaît, à moi ; c’est un homme alerte, hardi, bien fait, comme il s’en trouve peu parmi les Grecs ; c’est un homme intelligent. On attaque ces gens comme des barbares ; mais je ne pense pas qu’on en trouve parmi eux un seul aussi cruel que maint héros qui, devant Ilion, s’est montré semblable aux anthropophages. Je fais cas de sa générosité ; je me suis confiée à lui… Et son château, ah ! si vos yeux le voyaient ! c’est bien autre chose que ces vieux remparts que vos pères ont élevés sans plan et sans pensée, commodes Cyclopes qui construisent à la manière cyclopéenne, roulant la pierre brute sur des pierres brutes ; mais, là, au contraire, là, tout est horizontal, perpendiculaire et régulier.