Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/270

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Qui réussira mieux ? Sombre question,
Que le destin tient voilée encore,
Lorsqu’à la plus fatale des journées
Tous les peuples se taisent en perdant leur sang !
Mais de nouveaux chants retentissent,
Ne restez pas plus longtemps affligés,
Car le sol les reproduit encore
Comme il les a produits toujours !

Pause complète. La musique cesse.


HÉLÈNE, s’adressant à Faust.

Une ancienne parole s’éprouve aussi tristement en moi, c’est que la beauté et le bonheur ne se réunissent pas pour longtemps. Le lien de la vie et de l’amour est déchiré ; en le déplorant, je te dis adieu, pénétrée de douleur. Encore une fois, je me jette dans tes bras. Perséphone, reçois-moi ! reçois mon fils !

Elle embrasse Faust ; tout ce qui est matériel en elle disparaît, le vêtement et le voile lui restent dans les bras.


PHORKYAS, à Faust.

Tiens bien ce qui te reste de tout ce que tu possédais. Elle se détache du vêtement. Déjà les démons en tirent les pointes, et voudraient l’entraîner dans leur séjour. Tiens ferme ! La déesse n’est plus. Tu l’as perdue ; mais son vêtement est divin. Use de ce présent inestimable, et lève-toi. Il te transportera dans les airs aussi longtemps que tu pourras t’y maintenir. Nous nous reverrons, mais loin, très-loin d’ici.

Les vêtements d’Hélène se changent en nuages, ils entourent Faust, l’enlèvent, et l’emportent dans les airs.


PHORKYAS. Elle lève de terre le manteau et la lyre, et les montre.

C’est par bonheur que je les trouve. Il est vrai que la flamme a disparu ; mais le monde n’est pas à plaindre : en voilà assez pour consacrer les poëtes futurs, pour combattre l’envie et l’esprit de métier stérile. Et, si je ne puis conférer le génie, je puis du moins prêter l’habit.