Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/306

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dans le feu plusieurs bourgeois, quelques empereurs, rois, princes, seigneurs et des gens d’armes tout enharnachés à milliers. Autour du feu, il y en avait une grande chaudière pleine d’eau, dont quelques-uns d’eux buvaient, les autres se rafraîchissaient et baignaient ; les autres, sortant de la chaudière, s’en couraient au feu pour s’échauffer.

Le docteur Fauste entra dans le feu, en voulut retirer une âme damnée, et, comme il pensait la tenir par la main, elle s’évanouit de lui tout à coup en arrière. Mais il ne pouvait alors demeurer là longtemps, à cause de la chaleur ; et comme il regardait çà et là, voici que vint le dragon ou bien Belzebub, avec sa selle dessus, et s’assit dessus et le passa ainsi en haut ; car Fauste ne pouvait là plus endurer, à cause des tonnerres, des tempêtes, des brouillards, du soufre, de la fumée, du feu, froidure et chaleur mêlés ensemble ; de plus, à cause qu’il était las d’endurer les effrois, les clameurs, les lamentations des malheureux, les hurlements des esprits, les travaux et les peines, et autres choses. Le docteur Fauste n’ayant eu, en tout ce temps-là, aucun bien au dedans de cet enfer, aussi son valet n’avait pensé autre chose d’en pouvoir rien emporter, puisqu’il avait désiré de voir l’enfer, il eût mieux aimé le voir une fois, et demeurer toujours dehors, puis après. En cette façon vint Fauste derechef en sa maison ; après qu’il se fut ainsi endormi sur sa selle, l’esprit le rejeta tout endormi sur son lit ; et, après que le jour fut venu, et que le docteur Fauste fut réveillé, il ne se trouva point autrement que s’il se fût trouvé aussi longtemps en une prison ténébreuse ; car il n’avait point vu autre chose, sinon comme des monceaux de feu, et ce que le feu avait baillé de soi. Le docteur Fauste, ainsi couché sur son lit, pensait après l’enfer. Une fois, il le prenait à bon escient qu’il eût été là dedans, et qu’il l’avait vu. Une autre fois, il doutait là-dessus, que le diable lui eût fait quelque illusion et trait d’enchanterie par les yeux, comme cela fut vrai ; car il n’avait garde de lui faire voir effectivement l’enfer, de crainte de lui causer trop d’appréhension. Cette histoire et cet acte, touchant ce