Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/357

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toi-même, à peine es-tu capable d’échapper à la plus grossière illusion ; à peine deviens-tu maître de tes premières volontés, que tu te crois aussitôt plus qu’un mortel, et que tu te révoltes contre les devoirs d’homme ! Pourquoi donc te distingues-tu des autres ? Connais-toi ; et tu vivras en paix avec le monde.

— Pardonne, m’écriai-je, je reconnais ma faute. Pourquoi aurais-je en vain les yeux ouverts ? Une volonté franche anime tout mon être, je reconnais enfin tout le prix de tes dons ; désormais je veux être utile à mes semblables, en n’ensevelissant pas la source où j’ai puisé : pourquoi donc aurais-je frayé des sentiers nouveaux, si je ne devais pas les indiquer à mes frères ? »

Et je parlais encore, quand la déesse me jeta un regard de compassion ; je cherchais à y lire ce qu’il y avait eu dans mes paroles d’erreur ou de vanité : elle sourit, et je me rassurai ; un nouvel espoir monta vers mon cœur, et je pus m’approcher d’elle avec plus de confiance, afin de la contempler mieux.

Elle étendit la main à travers les nuages légers et la vapeur qui l’entouraient, et ce qui restait de brouillard acheva de se dissiper ; mes yeux purent de nouveau pénétrer dans la vallée, le ciel était pur… La divine apparition se balançait seule dans les airs, et son voile transparent s’y déroulait en mille plis.

« Je te connais, je connais tes faiblesses, je sais aussi tout ce qu’il y a de bon en toi. » Telles furent ses paroles, qu’il me semblera toujours entendre. « Écoute maintenant ce que j’ai à te dire ; il ne faut point t’enorgueillir de mes dons, mais les recevoir avec une âme calme : comme le soleil dissipe les brouillards du matin, ainsi la seule vérité peut arracher le voile qui couvre la beauté des muses.

« Et ne le jetez au vent, toi et tes amis, que pendant la chaleur du jour ; alors, la brise du soir vous apportera le frais et le parfum des fleurs, alors s’apaisera le vent des passions humaines ; des nuages légers rafraîchiront les airs, le jour sera doux, et la nuit sera pure. »

Venez vers moi, amis, quand le fardeau de la vie vous