Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/361

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odorantes ; sans cesse le fil bourdonne autour de ses fuseaux ; la laine luisante, le lin d’un blanc de neige s’amassent dans ses coffres éblouissants de propreté, et, répandant partout l’éclat sur l’abondance, elle n’accorde rien au repos.

Le père cependant, du haut de sa maison, jette un regard satisfait sur sa fortune qui fleurit encore à l’entour ; il contemple ses arbres, ses enclos, ses greniers déjà pleins et ses champs ondoyants de moissons nouvelles, et soudain des paroles d’orgueil s’échappent de sa bouche : « Ma prospérité, solide comme les fondements de la terre, brave désormais l’infortune ! » Hélas ! qui peut faire un pacte éternel avec le sort ?… Le malheur arrive vite.

« Bien ! la fonte peut commencer : la cassure est déjà dentelée ; pourtant, avant de lui livrer passage, une prière ardente au Seigneur… Débouchez les conduits, et que Dieu protége le moule ! Oh ! comme les vagues de feu se précipitent dans l’espace qui leur est ouvert ! »

Le feu ! c’est une puissance bienfaisante, quand l’homme le maîtrise et le surveille ; c’est un don céleste qui facilite et accomplit bien des travaux. Mais qu’il est redoutable, ce fils de la nature, quand il surmonte les obstacles qui l’enchaînaient et reprend son indépendance. Malheur ! lorsque, abandonné à lui-même, il déroule sa marche triomphante au sein d’une cité populeuse ! car tous les éléments sont ennemis des créations humaines. — Du sein des nuages tombe la pluie bienfaisante aux moissons : du sein des nuages… la foudre !

Entendez-vous ce son qui gémit dans la tour ? C’est le tocsin ! Le ciel est d’un rouge de sang, et pourtant ce n’est pas l’aurore… Quel tumulte dans les rues ! que de fumée !… Le feu tantôt s’élève au ciel en colonnes flamboyantes, tantôt se précipite dans toute la longueur des rues, comme de la gueule d’un four. L’air est embrasé, les poutres craquent, les murs s’écroulent, les vitres pétillent, les enfants crient, les mères courent çà et là, les animaux hurlent parmi les débris… tout se presse, périt ou s’échappe… La nuit brille de tout l’éclat du jour. Enfin