Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/369

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donner le baiser de fiançailles à celle qui prie si vivement pour toi. »

Une ardeur divine s’empare de l’âme du page ; dans ses yeux l’audace étincelle : il voit la jeune princesse rougir, pâlir et tomber évanouie. Un si digne prix tente son courage, et il se précipite de la vie à la mort.

La vague rugit et s’enfonce… Bientôt elle remonte avec le fracas du tonnerre… Chacun se penche et y jette un regard plein d’intérêt : le gouffre engloutit encore et revomit les vagues, qui s’élèvent, retombent et rugissent toujours… mais sans ramener le plongeur.




LA PUISSANCE DU CHANT


Un torrent s’élance à travers les fentes des rochers et vient avec le fracas du tonnerre. Des montagnes en débris suivent son cours, et la violence de ses eaux déracine des chênes : le voyageur étonné entend ce bruit avec un frémissement qui n’est pas sans plaisir ; il écoute les flots mugir en tombant du rocher, mais il ignore d’où ils viennent. Ainsi l’harmonie se précipite à grands flots, sans qu’on puisse reconnaître les sources d’où elle découle.

Le poète est l’allié des êtres terribles qui tiennent en main les fils de notre vie : qui donc pourrait rompre ses nœuds magiques et résister à ses accents ? Il possède le sceptre de Mercure, et s’en sert pour guider les âmes : tantôt il les conduit dans le royaume des morts ; tantôt il les élève, étonnées, vers le ciel, et les suspend, entre la joie et la tristesse, sur l’échelle fragile des sensations.

Lorsqu’au milieu d’un cercle où règne la gaieté, s’avance tout à coup, et tel qu’un fantôme, l’impitoyable destin : alors tous les grands de la terre s’inclinent devant cet inconnu qui vient d’un autre monde ; tout le vain tumulte de la fête s’abat, les masques tombent, et les œuvres du men-