Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/445

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rable ; environner son âme d’un fossé, couper le monde à l’entour, et, comme l’archange tombé, ramener ses ailes sur ses yeux, de peur que les autres ne se prennent à rire en vous voyant pleurer ! Mais pourtant, si j’avais été cette muraille, cette dalle, j’aurais fidèlement retenu sa voix, et son pas ; si j’avais été ce miroir, je n’aurais pas laissé aller son image enchanteresse ; à la place de ce carreau jauni, j’aurais gardé la brume blanche qu’y avait déposée son haleine suave… oh ! certes !…



ROBERT ET CLAIRETTE

Ballade de Tiedge.


Un vent frais parcourait la plaine ; mais il faisait lourd sous le feuillage. Les rayons du soleil couchant éclataient rouges parmi les rameaux, et le chant du grillon interrompait seul le religieux silence du soir.

La nature s’endormait ainsi dans son repos, quand Robert et Clairette dirigèrent leur promenade vers la source de la forêt, où ils avaient naguère échangé de tendres serments : c’était pour eux un lieu sacré.

Combien il s’était embelli depuis le jour de leur union ! Mille plantes y avaient fleuri, et la source s’en éloignait à regret, toute couverte de feuilles odorantes : douce retraite pour le voyageur qui venait parfois s’y reposer avec délices.

Et le rossignol chanta, et l’écho après lui, quand les époux entrèrent dans le bocage ; la pleine lune leur sourit à travers les branches des ormeaux, et la source les salua d’un murmure joyeux.

Clairette cueillit deux fleurs pareilles ; puis, les livrant au cours de l’onde, les suivit des yeux avec crainte ; mais, bientôt, l’une se sépara de l’autre, et elles ne se rejoignirent plus.

« Oh ! soupira Clairette tremblante, vois-tu, mon bien-