Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/455

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Clément dans Octavien, des crochets fort bizarres, et qui aime par dessus tout les manteaux rouges et les plumes rouges. Julie prit cette coupe ciselée, qui brillait d’un éclat singulier, et me l’offrit en disant :

« Recevras-tu encore ce breuvage de ma main aussi volontiers qu’autrefois ?

— Julie ! Julie ! » m’écriai-je en soupirant.

Et, saisissant la coupe, j’effleurai ses doigts délicats ; des étincelles électriques pétillèrent en parcourant mes artères et mes veines. Je buvais et je buvais toujours : il me semblait que de petites langues de feu bleuâtre voltigeaient à la surface du verre et autour de mes lèvres. La coupe était vidée, et j’ignore moi-même comment il se fit que je me trouvai dans un cabinet éclairé par une lampe d’albâtre, assis sur une ottomane, et Julie ! Julie à mes côtés, qui me souriait avec son regard d’enfant… comme autrefois !…

Berger s’était remis au piano : il jouait l’andante de la sublime symphonie en mi bémol de Mozart, et, enlevée sur les ailes puissantes de l’harmonie, mon âme retrouvait ses plus beaux jours d’amour et de bonheur… Oui, c’était Julie ! Julie elle-même, belle et douce comme les anges ! Notre entretien, complainte d’amour passionnée, avait plus de regards que de paroles ; sa main était dans la mienne.

« Désormais je ne te quitte plus ; ton amour est l’étincelle qui va rallumer en moi une vie plus élevée dans l’art et dans la poésie : sans toi, sans ton amour tout est froid, tout est mort ! Mais n’es-tu donc pas revenue afin de m’appartenir pour toujours ?… »

En ce moment, il entra, en se dandinant lourdement, une longue figure, aux jambes d’araignée, avec des yeux sortant de la tête comme ceux des grenouilles, qui, souriant d’un air coquet, criait de sa petite voix aigre :

« Mais où diantre est donc restée ma femme ? »

Julie se leva et me dit, d’un ton de voix qui n’était plus la sienne :

« Retournons vers la compagnie ; mon mari me cher-