Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/59

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FAUST, tombant à la renverse.

Pas à toi !… À qui donc ?… Moi ! l’image de Dieu ! pas seulement à toi ! (On frappe.) Ô mort ! Je m’en doute ; c’est mon serviteur. Et voilà tout l’éclat de ma félicité réduit à rien !… Faut-il qu’une vision aussi sublime se trouve anéantie par un misérable valet !


VAGNER, en robe de chambre et bonnet de nuit, une lampe à la main.
Faust se détourne avec mauvaise humeur.


VAGNER.

Pardonnez ! Je vous entendais déclamer ; vous lisez sûrement une tragédie grecque, et je pourrais profiter dans cet art, qui est aujourd’hui fort en faveur. J’ai entendu dire souvent qu’un comédien peut en remontrer à un prêtre.

FAUST.

Oui, si le prêtre est un comédien, comme il peut bien arriver de notre temps.

VAGNER.

Ah ! quand on est ainsi relégué dans son cabinet, et qu’on voit le monde à peine les jours de fête, et de loin seulement, au travers d’une lunette, comment peut-on aspirer à le conduire un jour par la persuasion ?

FAUST.

Vous n’y atteindrez jamais si vous ne sentez pas fortement, si l’inspiration ne se presse pas hors de votre âme, et si, par la plus violente émotion, elle n’entraîne pas les cœurs de tous ceux qui écoutent. Allez donc vous concentrer en vous-même, mêler et réchauffer ensemble les restes d’un autre festin pour en former un petit ragoût !… Faites jaillir une misérable flamme du tas de cendres où vous soufflez !… Alors vous pourrez vous attendre à l’admiration des enfants et des singes, si le cœur vous en dit ; mais jamais vous n’agirez sur celui des autres, si votre éloquence ne part pas du cœur même.