Page:Goethe-Nerval - Faust Garnier.djvu/78

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cœur rendu à lui-même. La raison commence à parler, et l’espérance à luire ; on se baigne au ruisseau de la vie, à la source dont elle jaillit.

Ne grogne point, barbet ! Les hurlements d’un animal ne peuvent s’accorder avec les divins accents qui remplissent mon âme entière. Nous sommes accoutumés à ce que les hommes déprécient ce qu’ils ne peuvent comprendre, à ce que le bon et le beau, qui souvent leur sont nuisibles, les fassent murmurer ; mais faut-il que le chien grogne à leur exemple ?… Hélas ! Je sens déjà qu’avec la meilleure volonté, la satisfaction ne peut plus jaillir de mon cœur… Mais pourquoi le fleuve doit-il si tôt tarir, et nous replonger dans notre soif éternelle ? J’en ai trop fait l’expérience ! Cette misère va cependant se terminer enfin ; nous apprenons à estimer ce qui s’élève au-dessus des choses de la terre, nous aspirons à une révélation, qui nulle part ne brille d’un éclat plus pur et plus beau que dans le Nouveau Testament. J’ai envie d’ouvrir le texte, et m’abandonnant une fois à des impressions naïves, de traduire le saint original dans la langue allemande qui m’est si chère. (Il ouvre un volume, et s’arrête.) Il est écrit : Au commencement était le verbe ! Ici je m’arrête déjà ! Qui me soutiendra plus loin ? Il m’est impossible d’estimer assez ce mot, le verbe ! il faut que je le traduise autrement, si l’esprit daigne m’éclairer. Il est écrit : Au commencement était l’esprit ! Réfléchissons bien sur cette première ligne, et que la plume ne se hâte pas trop ! Est-ce bien l’esprit qui crée et conserve tout ? Il devrait y avoir : Au commencement était la force ! Cependant tout en écrivant ceci, quelque chose me dit que je ne dois pas m’arrêter à ce sens. L’esprit m’éclaire enfin ! L’inspiration descend sur moi, et j’écris consolé : Au commencement était l’action !

S’il faut que je partage la chambre avec toi, barbet, cesse tes cris et tes hurlements ! Je ne puis souffrir près de moi un compagnon si bruyant : il faut que l’un de nous deux quitte la chambre ! C’est malgré moi que je viole les droits de l’hospitalité ; la porte est ouverte, et tu as le champ libre. Mais que vois-je ? Cela est-il naturel ? Est-