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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/205

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point toute l’Allemagne qui se plaint de troubles. La Souabe et la Franconie couvent seules encore les restes de la fatale guerre intestine. Et là même il se trouve beaucoup de nobles et d’hommes libres qui soupirent après le repos. Si nous pouvions une fois nous délivrer de Sickingen, de Selbitz… de Berlichingen, le reste se dissiperait bientôt de soi-même. Car c’est eux dont l’esprit anime la multitude rebelle.

L’EMPEREUR.

Je voudrais ménager ces gens-là : ils sont nobles et vaillants ; si je faisais la guerre, j’aurais besoin d’eux en campagne.

WEISLINGEN.

Il serait à désirer qu’ils eussent dès longtemps appris à écouter leur devoir. Et puis il serait extrêmement dangereux de récompenser par des postes d’honneur leurs entreprises rebelles. Car c’est justement de cette douceur et de cette clémence impériale qu’ils ont si horriblement abusé jusqu’à ce jour ; et leur parti, qui fonde là-dessus sa confiance et son espoir, ne sera pas dompté, avant que nous les ayons fait disparaître de la face du monde, et que nous leur ayons enlevé absolument toute espérance de se relever jamais.

L’EMPEREUR.

Vous conseillez donc la rigueur ?

WEISLINGEN.

Je ne vois pas d’autre moyen de réprimer l’esprit de vertige qui s’empare de provinces entières. N’entendons-nous pas çà et là les nobles se plaindre, avec la plus grande amertume, que leurs sujets, leurs serfs, se révoltent contre eux et contestent avec eux, menacent de restreindre leur souveraineté héréditaire, en sorte qu’il en faut craindre les suites les plus funestes ?

L’EMPEREUR.

L’occasion serait belle maintenant pour agir contre Berlichingen et Selbitz : je voudrais seulement qu’on ne leur fît aucun mal. Je voudrais les tenir prisonniers, et puis ils devraient jurer de renoncer à toute vengeance, de rester tranquilles dans leurs châteaux et de ne pas rompre leur ban. À la prochaine session, je veux le proposer.