Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/275

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MARIE.

Ô Dieu, que sont les espérances de cette terre ? (Gœtz, Lerse, le gardien paraissent.)

GŒTZ.

Dieu tout-puissant, que l’on est bien sous ton ciel ! qu’on est libre !… Les arbres poussent des bourgeons et tout le monde espère… Adieu, mes amis ! Mes racines sont coupées, mes forces déclinent vers la tombe.

ÉLISABETH.

Dois-je envoyer Lerse chercher ton fils au couvent, afin que tu le voies et le bénisses encore une fois ?

GŒTZ.

Laisse-le : il est plus saint que moi, et n’a pas besoin de ma bénédiction… Le jour de notre noce, Élisabeth, je ne prévoyais pas que je mourrais ainsi… Mon vieux père nous bénit, et de sa prière découlait une postérité de fils nobles et vaillants… Tu ne l’as pas exaucé, et je suis le dernier !… Lerse, ton visage me réjouit à l’heure de la mort plus que dans la plus chaude mêlée. Alors mon esprit guidait le vôtre ; maintenant c’est toi qui me soutiens. Ah ! si je voyais George encore une fois, si je me réchauffais à son regard ! Vous baissez les yeux et vous pleurez… Il est mort… George est mort… Meurs, Gœtz !… Tu t’es survécu à toi-même, tu as survécu à ces braves… Comment est-il mort ? Ah ! ils l’ont pris au milieu des incendiaires et l’ont exécuté ?

ÉLISABETH.

Non, il est tombé près de Miltenberg, en combattant comme un lion pour sa liberté.

GŒTZ.

Dieu soit loué !… C’était le meilleur jeune homme qui fût sous le soleil, et le plus brave… Délivre mon âme à présent… Pauvre femme, je te laisse dans un monde corrompu. Lerse, ne l’abandonne pas… Fermez vos cœurs avec plus de soin que vos portes. Voici les temps de la fraude ; la carrière lui est ouverte. Les méchants régneront par la ruse, et le noble cœur tombera dans leurs filets. Marie, Dieu te rende ton époux ! Puisse-t-il ne pas tomber aussi bas qu’il est monté haut ! Selbitz est mort et