Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/391

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BUENCO.

Au nom du ciel, mademoiselle !…

MARIE.

Mais lui est-il bien indifférent…. de ne plus m’aimer ?… Hélas ! pourquoi ne suis-je plus aimable ?…Du moins il devrait me plaindre, oui, me plaindre de ce que l’infortunée, à laquelle il s’était rendu si nécessaire, doit maintenant passer sans lui sa vie dans la langueur et dans les larmes. Me plaindre ?… Je ne veux pas que cet homme me plaigne.

SOPHIE.

Si je pouvais t’apprendre à le mépriser l’infâme, le méchant !

MARIE.

Non, ma sœur, ce n’est pas un infâme ; et me faut-il donc mépriser celui que je hais ? Le haïr ? Oui, quelquefois je puis le haïr, quand l’esprit espagnol s’empare de moi. Dernièrement, quand nous le rencontrâmes, sa vue réveilla tout mon amour, mon ardent amour ! Et, quand je fus revenue à la maison, et me rappelai sa conduite et le tranquille et froid regard qu’il avait jeté sur moi, en passant avec cette doha si brillante, alors je devins Espagnole au fond du cœur ; je saisis mon poignard ; je me pourvus de poison et me travestis…. Vous êtes surpris, ’Buenco ?…. Tout cela en idée, vous entendez ?

SOPHIE.

Jeune folle !

MARIE.

Mon imagination me conduisit sur ses pas ; je le vis qui prodiguait, aux pieds de sa nouvelle amante, toute la grâce, toute la soumission, avec lesquelles il m’a perdue…. J’allais percer le cœur du traître…. Ah ! Buenco !… tout à coup je redevins la sensible et bonne Française, qui ne sait rien de poisons et de poignards pour sa vengeance. Nous sommes bien à plaindre….. Des vaudevilles, pour amuser nos amants ; des éventails, pour les punir, et, quand ils sont infidèles…. Dis-moi,"ma sœur, que fait-on en France, quand les amants sont infidèles ?

SOPHIE.

On les maudit.

MARIE.

Et puis ? -’



SOPHIE.