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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/45

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me connais pas assez.

SOELLER.

Oh ! crois-moi, un baiser est pour une jeune fille comme pour nous un verre de vin : un verre et puis encore un et encore un, jusqu’à ce que l’on tombe. Si l’on ne veut pas s’enivrer, il ne faut pas boire du tout. Il suffit ! Tu es à moi maintenant !… N’y a-t-il pas trois ans et demi que M. Alceste était ton ami et demeurait dans la maison ? Combien y a-t-il qu’il était parti ?

SOPHIE.

Trois ans, je pense.

SOELLER.

Davantage. A présent, il est revenu depuis quinze jours.

SOPHIE.

Mon ami, à quoi bon ce discours ?

SOELLER.

Mais, pour dire quelque chose ; car, entre mari et femme, on ne se parle déjà pas trop. Pourquoi, je-te prie, est-il ici ?

SOPHIE.

Eh ! pour son plaisir.

SOELLER.

Je croirais que tu lui tiens fort au cœur. S’il t’aimait, dismoi, lui prêterais-tu bien l’oreille ?

SOPHIE.

L’amour peut beaucoup sans doute, mais le devoir encore plus. Tu le crois ?…

SOELLER.

Je ne crois rien, et je puis bien le comprendre : un mari est toujours plus que ces petits messieurs, qui ne font que siffler. Le ton le plus doux que puisse avoir le berger n’est qu’un ton, après tout, et un ton, l’on s’en rassasie.

SOPHIE.

Oui, un ton, fort bien ! Ils ont leur ton ; mais le tien vaut-il mieux ? Chez toi, le mécontentement devient plus grand de jour en jour ; -tu ne cesses pas de taquiner. Qu’on soit d’abord aimable, si l’on veut être aimé. Étais-tu bien l’homme fait pour rendre une jeune fille heureuse ?… As-tu acquis le droit de me reprocher é