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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome II.djvu/473

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Je te remercie, mon Dieu, de ce qu’en ces moments tu as donné tant de force à mon cœurl... Est-ce bien moi, moi, abattue, déchirée, qui suis, à l’heure décisive, si tranquille, si courageuse ! Bonne, éternelle Providence, tu ne ravis donc rien à notre cœur que tu ne lui gardes en réserve, jusqu’à l’heure où il en a le plus besoin. (Fernand revient.) Fernand, à part.

Me reconnaîtrait-elle ? (Haut.) Je vous prie, madame, je vous conjure de m’ouvrir votre cœur !

MADAME SOMMER.

Il faudrait vous apprendre mon sort. Et comment seriez-vous disposé aux gémissements et au deuil, le jour où toutes les joies de la vie vous sont rendues ; où vous avez rendu toutes les joies de la vie à la femme la plus digne !... Non, souffrez, monsieur, que je parte !

FERNAND.

Je vous en prie.

MADAME SOMMER.

Que je l’épargnerais volontiers à vous et à moi ! Le souvenir des plus beaux, des plus heureux jours de ma vie me cause de mortelles douleurs.

FERNAND.

Vous n’avez pas été toujours malheureuse ?

. MADAME SOMMER.

Sans cela, je ne le serais pas maintenant à ce point. (Après une p«,use et d’une voix plus libre.) Les jours de ma jeunesse furent faciles et joyeux. Je ne sais ce qui m’attachait les hommes,’ mais un grand nombre souhaitèrent de me plaire. Quelques-uns m’inspirèrent de l’amitié, de l’affection. Toutefois il n’en était aucun avec lequel j’aurais cru pouvoir passer ma vie. Ainsi s’écoulèrent les heureux temps des distractions riantes, où un jour donne gracieusement la main à l’autre. Et cependant il me manquait quelque chose.... Quand je regardais plus avant dans la vie, et prévoyais les joies et les souffrances qui attendent l’homme, alors je souhaitais un époux dont la main m’accompagnât à travers le monde ; qui, en récompense de l’amour que mon jeune cœur lui pourrait consacrer, voulût devenir, dans l’âge