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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/208

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et très-tendre avec moi ; je vous l’ai dit aussitôt et vous ai demandé conseil.

BRÊME.

Tu es une excellente fille, digne de figurer comme une princesse, une reine.

CAROLINE.

Vous m’avez conseillé d’être sur mes gardes, de m’observer moi-même, mais de l’observer aussi ; de ne point me compromettre, mais aussi de ne pas repousser la fortune, si elle venait me chercher. Je me suis comportée avec lui de telle sorte que je n’ai aucun reproche à me faire ; mais lui…

BRÊME.

Parle, mon enfant, parle…

CAROLINE.

Oh ! c’est affreux ! Quelle audace ! quelle témérité !…

BRÊME.

Eh bien ?… (Après une pause.) Ne me dis rien, ma fille ! Tu me connais : je suis d’un tempérament bouillant, un vieux soldat ; je ne pourrais me contenir ; je ferais un coup de tête.

CAROLINE.

Vous pouvez, mon père, l’entendre sans vous fâcher, et je puis le dire sans rougir. Il a mal interprété mes manières affables, et, pendant votre absence, après que Louise eut couru au château, il s’est glissé ici dans la maison. Il s’est montré téméraire, mais je lui ai appris son devoir. Je l’ai chassé, et je puis dire que, depuis cet instant, mes sentiments à son égard sont changés. Il me semblait aimable, quand il était bon, quand je pouvais croire qu’il avait sur moi des vues honnêtes : maintenant, il me semble pire que tout autre. Je vous conterai tout, je vous avouerai tout, comme jusqu’à présent, et je m’en remettrai entièrement à vos conseils.

BRÊME.

Quelle fille ! quelle excellente fille ! Oh ! je suis un père digne d’envie ! Attendez, monsieur le baron, attendez ! Nous lâcherons les chiens, et ils fermeront aux renards l’entrée de la volière. Je consens à ne plus m’appeler Brême, à ne pas mériter le nom de Bremenfeld, si tout ne change pas bientôt.