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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/210

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Scène V.

BRÊME, seul.

Faut-il que ce malheur soit arrivé justement cette nuit ! J’avais tout arrangé pour le mieux : j’avais divisé mon temps comme un véritable praticien. Nous avions jasé ensemble jusque vers minuit ; tout était tranquille ; après cela, je voulais prendre ma tasse de café ; mes amis, convoqués, devaient se rendre chez moi pour notre secrète conférence. À présent, le diable s’en mêle. Tout est en mouvement ; on veille au château pour mettre des compresses à l’enfant. Qui sait où le baron va rôder pour guetter ma fille ? Je vois de la lumière chez le bailli, ce maudit coquin, que je crains plus que tout le reste. Si nous sommes découverts, la plus grande, la plus belle, la plus sublime pensée, qui doit exercer de l’influence sur ma patrie tout entière, peut être étouffée à sa naissance. (Il regarde à la fenêtre.) J’entends venir quelqu’un ! Les dés sont jetés : il s’agit de poser les dames. Un vieux soldat ne doit s’effrayer de rien. N’ai-je donc pas été à l’école du grand, de l’invincible Frédéric ?



Scène VI.

BRÊME, MARTIN.
BRÊME.

Est-ce vous, compère Martin ?

MARTIN.

Oui, cher compère Brême, c’est moi. Je me suis levé tout doucement, comme la cloche sonnait minuit, et je suis venu ; mais j’ai encore entendu faire du tapage et aller et venir, et j’ai fait doucement quelques tours de jardin, en attendant que tout fût tranquille. Dites-moi, je vous prie, compère Brême, quel est votre dessein, pour nous réunir chez vous si avant dans la nuit. Ne pourrions-nous pas faire de jour ?

BRÊME.

Vous saurez tout ; ayez seulement patience, jusqu’à ce que tous les autres soient arrivés.