Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/230

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

LOUISE.

Vous me faites rougir, madame la comtesse. Je ne connais en moi d’autre vertu que celle d’avoir su jusqu’à présent me résigner à mon sort ; et même je n’ai plus de mérite à cela, madame la comtesse, depuis que vous avez tant fait pour l’adoucir. Vous faites plus encore aujourd’hui, que vous me rapprochez de vous ! Depuis la mort de mon père et la ruine de ma famille, j’ai appris à me passer de beaucoup de choses, mais non d’une société polie et raisonnable.

LA COMTESSE.

De ce côté, vous devez beaucoup souffrir chez votre oncle.

LOUISE.

C’est un bon homme, mais son imagination le rend souvent bien sot, surtout depuis ces derniers temps, où chacun pense avoir le droit, non-seulement de discourir sur les grandes affaires du monde, mais encore d’y mettre la main.

LA COMTESSE.

Il en est de lui comme de beaucoup d’autres.

LOUISE.

J’ai fait quelquefois là-dessus mes réflexions en silence. Qui ne connaîtrait pas les hommes apprendrait aisément à les connaître aujourd’hui. Beaucoup de gens embrassent la cause de la liberté, de l’égalité universelle, uniquement pour faire une exception en leur faveur ; uniquement pour exercer de l’influence, n’importe comment.

LA COMTESSE.

Vous n’auriez pu en apprendre davantage, quand vous m’auriez accompagnée à Paris.



Scène V.

LES PRÉCÉDENTS, FRÉDÉRIQUE, LE BARON.
FRÉDÉRIQUE.

Voici, chère maman, un lièvre et deux perdrix. C’est moi qui ai tiré ces trois pièces : mon cousin n’a rien fait qui vaille.

LA COMTESSE.

Tu es tout en désordre, Frédérique. Comme te voilà trempée !