Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/237

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il le faudra sérieusement, voilà comme je me présenterai devant l’empereur. Et que dites-vous de M. le gouverneur ? Ne s’est-il pas aussi vaillamment comporté ?

ALBERT.

Ils vous l’ont aussi bravement rendu. Je croyais à la fin qu’on en viendrait aux coups. Et notre gracieuse comtesse !… C’était comme si feu monseigneur son père eût été là en chair et en os !

BRÊME.

Laissez-moi de côté le « gracieux ! » On n’aura bientôt plus de grâce à nous faire. Voyez, j’ai déjà terminé les lettres que j’enverrai dans les districts voisins. Aussitôt que l’affaire aura éclaté ici, ils sonneront aussi le tocsin, et se révolteront, et feront aussi appel à leurs voisins.

MARTIN.

Cela pourra devenir quelque chose.

BRÊME.

Certainement ! Et alors, honneur à qui revient l’honneur ! C’est à vous, mes chers enfants ! Vous serez regardés comme les libérateurs du pays.

MARTIN.

C’est à vous, monsieur Brême, qu’en reviendra la plus grande gloire.

BRÊME.

Non, cela n’est pas juste : il faut maintenant que tout soit commun.

MARTIN.

Cependant c’est vous qui avez commencé.

BRÊME.

Donnez-moi vos mains, vaillants hommes ! Ainsi se tenaient un jour les trois grands Suisses, Guillaume Tell, Walter Staubbach et Furst d’Uri[1], qui se réunirent sur le Grutli, et jurèrent aux tyrans une haine éternelle, et à leurs concitoyens une éternelle liberté. Que de fois on a vu des tableaux et des gravures

  1. Les trois hommes du Grutli sont : Werner Stauffacher, Arnold de Melchthal et Walter Furst. Goethe fait parler Brême inexactement, pour amuser le spectateur, qui sait bien que Guillaume Tell est ici nommé mal à propos, et que Staubbach est le nom d’une cascade célèbre de l’Oberland, confondu par le barbier avec celui de Stauffacher.