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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/274

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ÉPIMÉTHÉE.

Ô monde aimable des songes, quelle douceur dans tes adieux ! (On entend partir du jardin un cri de femme, un cri perçant d’angoisse.)

ÉPIMÉTHÉE, se levant en sursaut.

Quelle horrible détresse vient fondre sur ceux qui s’éveillent ! (Les cris redoublent.) Un cri de femme ! Elle fuit ! Elle approche ! Elle est déjà près !

ÉPIMÉLIE, dans le jardin, près de la haie.

Ah ! Ah ! Malheur ! Malheur à moi ! Malheur ! Ah ! Ah !

ÉPIMÉTHÉE.

La voix d’Épimélie !… au bord du jardin !

ÉPIMÉLIE, franchissant la haie avec précipitation.

Malheur ! Au meurtre ! Au meurtre ! Ah ! Ah ! Au secours !

PHILÉROS, s’élançant après elle.

Inutile ! Je saisirai bientôt tes cheveux tressés.

ÉPIMÉLIE.

Ah ! je sens déjà sur mon cou l’haleine du meurtrier.

PHILÉROS.

Maudite ! Tu sentiras bientôt sur ton cou ma hache tranchante.

ÉPIMÉTHÉE.

Ici !… Coupable ou non coupable, ma fille, je te sauve.

ÉPIMÉLIE, s’élançant à sa gauche.

Ô mon père ! Un père est donc toujours un dieu !

ÉPIMÉTHÉE.

Et quel voisin téméraire ose ici t’assaillir 1

PHILÉROS, à la droite d’Épiméthée.

Ne protège pas la tête exécrable de la femme la plus criminelle !

ÉPIMÉTHÉE, la couvrant de son manteau.

Je la protège, meurtrier, contre toi et contre tous.

PHILÉROS, passant à la gauche d’Épiméthée, en tournant autour de lui.

Je l’atteindrai, même sous l’ombre de ce manteau.

ÉPIMÉLIE, se jetant au-devant de son père, du côté droit.

Je suis perdue, mon père ! Ô violence ! violence !