Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/297

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timent plus élevé et un plus grand cœur, tu as choisi l’élégant et flexible laurier.

La Princesse.

Ces rameaux, que j’ai entrelacés en rêvant, ont trouvé d’abord une digne tête : je les place, avec reconnaissance, sur celle de Virgile. (La princesse couronne le buste de Virgile.)

Éléonore.

Et moi, je presse de ma riche et riante couronne le vaste front de maître Ludovico. (Elle couronne le buste de l’Arioste.) Lui, dont les grâces badines ne se flétriront jamais, qu’il reçoive d’abord sa part du nouveau printemps.

La Princesse.

Mon frère est charmant de nous avoir amenées dès à présent à la campagne. Nous pouvons être à nous-mêmes, et passer des heures à vivre en songe dans l’âge d’or des poëtes. J’aime ce Belriguardo, où j’ai passé dans la joie plus d’un jour de ma jeunesse ; et cette verdure nouvelle et ce soleil me rendent les impressions d’un temps qui n’est plus.

Éléonore.

Oui, un nouveau monde nous environne. L’ombre de ces arbres toujours verts déjà devient agréable ; déjà nous récrée de nouveau le murmure de ces fontaines ; les jeunes rameaux se balancent, bercés par le vent matinal ; les fleurs des parterres nous sourient de leurs yeux enfantins ; le jardinier ouvre avec confiance la maison d’hiver des citronniers et des orangers ; le ciel bleu est calme sur nos têtes ; et, à l’horizon, la neige des montagnes lointaines se résout en légères vapeurs.

La Princesse.

Je verrais avec une vive joie l’arrivée du printemps, s’il ne m’enlevait pas mon amie.

Éléonore.

Ne me fais pas souvenir dans ces belles heures, ô princesse, qu’elle est si proche, celle où je dois te quitter.

La Princesse.

Ce que tu auras laissé, tu le retrouveras au double dans cette grande ville.

Éléonore.

Le devoir m’appelle, l’amour m’appelle auprès de l’époux