Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/313

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préparé et accompli en silence. Il n’est pas au monde un plus beau spectacle que de voir un prince qui gouverne sagement ; de voir un royaume où chacun est fier d’obéir, où chacun croit ne servir que soi-même, parce qu’on ne lui commande que des choses justes.

Éléonore.

Que je souhaiterais passionnément voir ce monde un jour de tout près !

Alphonse.

Mais sans doute pour y prendre ta part d’influence ? Car jamais Éléonore ne sera simple spectatrice. Ce serait charmant, en vérité, mon amie, si nous pouvions aussi mêler parfois ces mains délicates dans le grand jeu de la politique !… N’est-ce pas ?

Éléonore.

Tu veux me piquer : tu ne pourras y réussir.

Alphonse.

Je suis depuis quelque temps bien en reste avec toi.

Éléonore.

Soit, je demeure aujourd’hui ta débitrice. Pardonne et ne trouble pas mes questions. (À Antonio.) A-t-il fait beaucoup pour ses neveux ?

Antonio.

Ni plus ni moins qu’il n’est convenable. Un homme puissant, qui ne sait pas s’occuper des siens, est blâmé du peuple même. Grégoire sait faire du bien, avec réserve et mesure, à ses parents, qui servent l’État en hommes de mérite, et, d’un seul coup, il remplit deux devoirs qui se touchent de près.

Le Tasse.

Les sciences, les arts, ont-ils à se louer aussi de sa protection ? Est-ce qu’il rivalise avec les grands princes des temps passés ?

Antonio.

Il honore la science, en tant qu’elle est utile, qu’elle enseigne à gouverner l’État, à connaître les peuples ; il estime les arts, en tant qu’ils décorent, qu’ils embellissent sa ville de Rome, et qu’ils font de ses palais et de ses temples des merveilles du monde. Près de lui, nul n’ose rester oisif. Qui veut être estimé, doit agir et doit servir.