Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/326

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avec toi. Oh ! si la plus noble des entreprises s’offrait ici devant mes yeux, environnée d’affreux dangers !… Je courrais au-devant, et risquerais volontiers la vie, que je tiens désormais de ses mains ; j’inviterais les plus vaillants hommes à me suivre, pour accomplir l’impossible avec ces nobles guerriers, sur son ordre et son geste. Homme impatient, pourquoi ta bouche n’a-t-elle pas caché ce que tu sentais, jusqu’au jour où, digne et toujours plus digne d’elle, tu aurais pu tomber à ses pieds ? C’était ton dessein, c’était ton sage désir. Mais soit !… Il est bien plus beau de recevoir purement et sans titre un pareil don, que d’imaginer, en quelque façon, qu’on aurait pu y prétendre. Regarde avec joie !… Ce qui est devant toi est si grand et si vaste ! et la jeunesse, riche d’espérance, t’appelle de nouveau dans le mystérieux et brillant avenir. Oh ! gonfle-toi, mon cœur ! Secrètes influences du bonheur, favorisez une fois cette plante ! Elle s’élance vers le ciel ; mille rameaux sortent de sa tige, et s’épanouissent en fleurs. Oh ! qu’elle produise des fruits ! qu’elle produise la joie ! Qu’une main chérie cueille la parure d’or sur ses frais et riches rameaux !



Scène III.

LE TASSE, ANTONIO.
Le Tasse.

Sois le bienvenu, toi qu’il me semble voir en ce moment pour la première fois ! Jamais homme ne me fut annoncé sous de plus beaux présages. Sois le bienvenu ! Je te connais maintenant, et tout ce que tu vaux. Je t’offre, sans hésiter, mon amitié et ma main, et toi aussi, je l’espère, tu ne me dédaigneras pas.

Antonio.

Tu m’offres libéralement de nobles dons, et j’en reconnais le prix comme je dois. C’est pourquoi, laisse-moi réfléchir avant de les accepter. Je ne sais pas si je pourrais t’offrir en échange quelque chose qui les égale. Je voudrais bien ne paraître ni inconsidéré ni ingrat. Permets que je sois sage et prudent pour tous deux.