hélas ! trop grande. L’homme ne se connaît que dans les hommes ; la vie peut seule apprendre à chacun ce qu’il est.
Je t’écoute avec approbation et respect.
Et cependant tu entends sous ces paroles tout autre chose que je ne veux dire.
De cette manière nous ne pouvons nous rapprocher. Il n’est pas sage, il n’est pas équitable de méconnaître, à dessein, un homme, quel qu’il soit. Les ordres de la princesse étaient à peine nécessaires ; je t’ai deviné aisément. Je sais que tu veux et que tu fais le bien. Ta propre fortune te laisse sans inquiétude ; tu penses aux autres ; tu viens à leur aide, et ton cœur demeure inébranlable sur le flot inconstant de la vie. C’est ainsi que je te vois. Et que serais-je, si je n’allais pas au-devant de toi ; si je ne recherchais pas aussi avec ardeur une part du trésor caché que tu tiens en réserve ? Je sais que tu n’as pas regret de t’ouvrir ; je sais que tu seras mon ami, quand tu me connaîtras ; et depuis longtemps j’avais besoin d’un pareil ami. Je ne rougis point de mon inexpérience et de ma jeunesse. Le nuage doré de l’avenir repose encore doucement autour de ma tête. Ô noble Antonio, prends-moi sur ton cœur ; initie le jeune homme fougueux, inexpérimenté, à l’usage modéré de la vie.
Tu demandes en un moment ce que le temps n’accorde qu’après mûre réflexion.
L’amitié accorde en un moment ce que le travail obtient à peine au bout d’un long temps. Je n’implore pas cette faveur de toi, j’ose la réclamer. Je t’adjure, au nom de la vertu, qui s’empresse d’unir les belles âmes. Et dois-je te nommer encore un nom ? La princesse l’espère, elle le veut… Éléonore veut nous conduire l’un à l’autre. Allons au-devant de ses vœux ! Montrons-nous unis devant la déesse ; offrons-lui nos services, toute notre âme, afin de faire ensemble pour elle ce qui sera le plus digne de lui plaire. Encore une fois, voici ma main !… Prends-la ! Ne recule pas, et ne refuse pas plus longtemps, noble Antonio,