au fond de ton cœur et te connais pour toute la vie. Oh ! si ma princesse te connaissait de même ! Ne prodigue pas les traits que lancent tes yeux et ta langue ! Tu les diriges vainement vers cette couronne impérissable, posée sur ma tête. Sois d’abord assez grand pour ne pas me l’envier ! Peut-être ensuite oseras-tu me la disputer. Je la regarde comme sacrée et comme le bien suprême : cependant montre-moi l’homme qui soit parvenu où je m’efforce d’arriver ; montre-moi le héros dont les histoires m’aient parlé seulement ; présente-moi le poëte qui se puisse comparer à Homère, à Virgile ; oui, pour dire plus encore, montre-moi l’homme qui ait mérité trois fois cette récompense, et que cette belle couronne ait, plus que moi, fait trois fois rougir : alors tu me verras à genoux devant la Divinité qui m’a fait ce don ; je ne me lèverai pas, avant qu’elle ait fait passer cet ornement de mon front sur celui de ce vainqueur.
Jusque-là tu en es digne assurément.
Que l’on me juge, je ne veux point m’y soustraire ; mais je n’ai pas mérité le mépris. La couronne, dont mon prince m’a jugé digne, que la main de ma princesse a tressée pour moi, nul ne m’en fera un sujet de doute et de raillerie.
Ce ton hautain, cette ardeur impétueuse, ne te sied pas avec moi, ne te sied pas dans ce lieu.
Ce que tu te permets dans ce lieu me sied aussi à moi. Et la vérité en est-elle donc bannie ? L’esprit indépendant est-il prisonnier dans ce palais ? Ici, un noble cœur n’a-t-il plus qu’à souffrir l’oppression ? Il me semble que la grandeur, la grandeur de l’âme, est ici surtout à sa place. Ne peut-elle obtenir l’avantage d’approcher les puissants de la terre ? Elle le peut, elle le doit. Nous n’approchons du prince que par la noblesse, qui nous est venue de nos pères : pourquoi pas par le cœur, que la nature n’a pas donné grand à chaque homme, de même qu’elle ne pouvait donner à chacun une suite de grands ancêtres ? La seule petitesse devrait ici se sentir gênée ; l’envie, qui se montre à sa honte, de même que la toile impure