manque ; quelquefois un domestique le vole : ainsi, Antonio, on a toute l’année à prendre soin de lui.
Et ces soins le font chérir toujours davantage. Heureux jeune homme, à qui l’on compte ses défauts comme des vertus ; à qui il est si doucement permis de jouer, étant homme, le rôle d’un enfant, et qui peut se faire honneur de sa gracieuse faiblesse ! Tu devrais me pardonner, belle amie, si je ressentais encore ici quelque amertume. Tu ne dis pas tout ; tu ne dis pas ce qu’il ose, et qu’il est plus habile qu’on ne pense. Il se glorifie de deux flammes ; il serre et délie les nœuds tour à tour, et, avec de tels artifices, il fait de telles conquêtes !… Est-ce croyable ?
Bon ! Cela même prouve déjà que c’est la seule amitié qui nous anime. Et, quand nous rendrions amour pour amour, ne serait-ce pas l’équitable récompense de ce noble cœur, qui s’oublie lui-même entièrement, s’abandonne, et vit, pour ses amis, dans d’aimables songes ?
Eh bien, gâtez-le de plus en plus ; faites passer son égoïsme pour de l’amour ; offensez tous vos amis, qui se consacrent à vous avec une âme fidèle ; payez à l’orgueilleux un tribut volontaire ; brisez enfin le cercle charmant d’une familière confiance.
Nous ne sommes pas aussi partiales que tu le crois : nous reprenons notre ami dans bien des cas ; nous désirons le former, pour qu’il jouisse davantage de lui-même, et qu’il puisse en faire jouir davantage les autres. Ce qui est blâmable en lui ne nous reste point caché.
Mais vous louez beaucoup de choses qu’il faudrait blâmer. Je le connais depuis longtemps : il est facile à connaître, et il est trop fier pour se cacher. Tantôt il s’abîme en lui-même, comme si tout l’univers était dans son sein, comme si lui-même se suffisait dans son univers, et tout ce qui l’environne disparaît à ses yeux. Il laisse passer, il laisse tomber, il repousse tout bien loin, et se repose en lui-même. Tout à coup, comme une étin-