pour ses hôtes ? Elle est prête ; l’hiver prochain nous y trouvera, si tu veux, brillamment entourés. Au printemps, soupires-tu après la campagne ? Là nous sont aussi réservés une maison, un jardin, une terre fertile. Et ce que l’imagination peut se représenter de charmant en forêts, bocages, prairies, lacs et ruisseaux, nous en jouissons, en partie comme de notre bien propre, en partie comme du bien commun ; à côté de cela, quelques rentes nous permettent encore de nous élever trèscommodément, par l’économie, à une plus sûre aisance.
LA GOUVERNANTE.
Ce tableau, si brillant que tu le présentes, s’enveloppe à mes yeux de tristes nuages. Ce n’est pas d’une manière désirable, mais horrible, que le dieu du monde s’approche de moi environné de l’abondance. Quel sacrifice demande-t-il ? Il me faudrait aider à détruire le bonheur de ma gracieuse élève ? Et le fruit d’un tel crime, je devrais en jouir d’un cœur libre ? Eugénie, toi dont l’aimable naturel, sous mes yeux, dès ton enfance, développa sans mélange ses riches trésors, puis-je encore distinguer chez toi ce qui t’appartient et ce que tu me dois ? Toi que je porte dans mon cœur, comme mon propre ouvrage, je devrais maintenant te détruire ? De quelle matière êtes-vous donc formés, cruels, pour oser demander un acte pareil, et pour croire de le récompenser ?
LE SECRÉTAIRE.
Un bon et noble cœur garde maint trésor dès l’enfance, et ne le forme, toujours plus beau et plus digne d’amour, que pour la gracieuse divinité du temple secret ; mais, quand la puissance qui nous gouverne commande un grand sacrifice, nous finissons néanmoins par l’offrir, le cœur saignant, à la nécessité. Ce sont deux mondes, mon amie, qui, se combattant avec violence, nous tyrannisent.
LA GOUVERNANTE.
Tu sembles marcher dans un monde tout à fait étranger à mes sentiments, quand tu prépares traîtreusement à ton maître, le noble duc, de si tristes jours, et te ranges dans le parti de son fils…. Quand la volonté suprême semble favoriser le crime, nous la nommons hasard ; mais l’homme qui, avec pleine réflexion, agit delà sorte par choix, est une énigme…. Cependant….