Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/429

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danger. Au lieu de la préserver, la pratique du danger lui donne aujourd’hui la mort.




LE SECRÉTAIRE.

Hélas ! c’est la pratique d’un noble devoir qui donne la mort à celle que nous ne pourrons oublier.

LE DUC.

Explique-toi !

LE SECRÉTAIRE.

Et j’animerai ta douleur par la peinture de celte naïve et généreuse action ! Son premier, son ancien et cher instituteur et ami, demeure loin de cette ville, plongé dans la tristesse, la souffrance et la misanthropie. Elle seule pouvait l’égayer ; elle s’attachait avec passion à ce devoir : elle ne demandait que trop souvent à visiter le vieillard, et souvent on refusait. Elle avait arrangé les choses en conséquence ; elle employait hardiment les heures fixées pour la promenade du matin à courir, avec une incroyable vitesse, chez ce vieillard tant aimé. Un seul palefrenier était dans le secret ; il lui préparait chaque fois le cheval ; nous le présumons du moins, car il a aussi disparu. Ce pauvre homme et cette femme se sont enfuis à l’aventure, par crainte dè toi.

LE DUC.

Heureux d’avoir encore quelque chose à craindre ! Chez eux la douleur de voir perdue la félicité de leur maître se change en une frayeur aisément surmontée, aisément dissipée. Moi je n’ai rien à craindre, rien à espérer ! C’est pourquoi, fais que je sache tout ; retrace-moi les plus petites circonstances. Je suis prêt à t’engendre.

SCÈNE III.

LE SECRÉTAIRE, LE DUC, L’ABBÉ.

LE SECRÉTAIRE.

Très-honoré prince, j’ai retenu ici, pour ce moment, un homme que tu vois s’incliner aussi devant toi. C’est le prêtre qui a reçu ta fille des mains de la mort, et qui, lorsque tout secours fut reconnu inutile, l’a ensevelie avec un soin pieux.

(Le Secrétaire se retire.)