Si une telle crainte sied à l’homme éminent, à qui un opprimé doit-il recourir ?
LE GOUVERNEUR.
Du moins tu m’excuseras sans doute, en ce moment où une affaire m’appelle, si je t’invite à te présenter chez moi demain matin, pour m’instruire plus exactement du sort qui te menace.
EUGÉNIE.
Je m’y rendrai avec joie. Reçois dès à présent mes actions de grâces pour ma délivrance.
La Gouvernante, qui présente un papier au gouverneur.
Si nous ne paraissons pas chez toi sur ton invitation, cette feuille suffira pour notre excuse.
Le Gouverneur. I l rend le papier, après l’avoir parcouru queljue temps avec attention. • Je ne puis en effet que vous souhaiter un heureux voyage, la résignation à votre sort et l’espérance.
SCÈNE III.
EIGÉNIE, LA GOUVERNANTE.
EUGÉNIE.
C’est là le talisman avec lequel tu m’entraînes, tu me tiens captive, et qui paralyse tous les honnêtes gens disposés à me secourir ? Laisse-moi la voir, cette feuille de mort ! Je connais ma misère : permets aussi, permets que je sache qui a pu l’ordonner.
La Gouvernante, lui présentant la feuille ouverte. La voici ! Regarde.
Eugénie, se détournant, sans lire le papier. Affreux sentiment ! Et pourrais-je y survivre, si le nom de mon père et de mon roi foudroyaient mon regard ! L’imposture est possible encore ; un officier de la couronne a peut-être abusé audacieusement du pouvoir, et il me nuit, par complaisance pour mon frère : alors je puis encore être sauvée. C’est ce que je veux apprendre. Montre-moi !