Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/464

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L’abbesse.

J’ai vu souvent, dans cette enceinte sacrée, les pleurs terrestres se changer en divins sourires, en célestes ravissements ; mais on n’y pénètre pas par violence ; maintes épreuves doivent premièrement nous faire connaître la nouvelle sœur et tout son mérite.

LA GOUVERNANTE.

Un mérite éclatant est facile à reconnaître ; les conditions que tu pourrais exiger sont faciles à remplir.

L’abbesse, à Eugénie.

Je ne doute point que la noblesse de la naissance, que la fortune ne te permissent d’acquérir les droits de cette maison, qui sont grands et considérables. Faites-moi donc promptement connaître vos intentions.

EUGÉNIE.

Exauce ma prière ; recueille-moi ; cache-moi aux yeux du monde, dans la plus profonde retraite, et prends tous mes biens. J’apporte beaucoup et j’espère donner plus encore.

L’abbesse.

Si la jeunesse, si la beauté, peuvent nous toucher, si une noble nature parle à notre cœur, tu as beaucoup de droits, aimable enfant. Chère fille, viens dans mes bras !

EUGÉNIE.

Avec ces paroles, avec cet embrassement, tu apaises soudain tout le tumulte de mon cœur agité. Le dernier flot me baigne encore en se retirant : je suis dans le port.

La Gouvernante, se plaçant entre Eugénie et l’Abbesse.

Si un sort cruel ne s’y opposait !… Lis cette feuille, pour nous plaindre. (Elle présente la feuille à l’Abbesse.)

L’abbesse, à la Gouvernante, après avoir lu.

Je dois te blâmer d’avoir écouté tant de paroles que tu savais inutiles. Je m’incline profondément devant la main souveraine qui parait dominer ici. (Elle s’éloigne.)




SCÈNE V.

EUGÉ