Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome III.djvu/97

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LE COMTE.

Dans les paroles, les herbes et les pierres. (Une pause.)

La Marquise, à part. Dans les pierres ? S’rl entend par là celles que j’ai dans ma poche, il a parfaitement raison.

LE MARQUIS.

Dans les herbes ? On dit qu’il ne croît point d’herbe qui puisse reculer le terme fixé à notre vie ; et pourtant une herbe pareille doit vous être connue, puisque vous avez non-seulement prolongé beaucoup votre vie, mais encore conservé si longtemps vos forces et votre extérieur.

LE COMTE.

L’immortalité n’est pas l’affaire de chacun.

LE CHANOINE.

Dans les paroles ? C’est de là que j’attends le plus, sublime docteur. Assurément vous avez une écriture, un langage, par lesquels sont exprimés de tout autres choses qu’avec nos misérables sons, à l’aide desquels nous ne pouvons rendre que les choses les plus communes. Sans doute tu possèdes les caractères secrets avec lesquels Salomon évoquait les esprits ?

LE COMTE.

Je les possède tous, et même les caractères les plus étranges qu’on ait jamais vus ; des paroles que des lèvres humaines peuvent à peine prononcer.

LE CHEVALIER.

Oh ! apprends-nous à les épeler peu à peu !

LE COMTE.

Avant toutes choses, il vous faut reconnaître que l’important ce ne sont pas les lèvres, ni les syllabes articulées, mais le cœur qui envoie ces mots sur nos lèvres. Tous allez apprendre le pouvoir qu’une âme innocente exerce sur les esprits. La Nièce, à part.

Ah ! Dieu, il va m’appeler. Je tremble et je frémis ! Que je jouerai mal mon rôle ! Je voudrais être bien loin d’ici et n’avoir jamais vu cet homme.

Le Comte.

Approche, belle et innocente enfant ; approche sans crainte.