Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/20

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

parmi nous, avec les droits d’un hôte pieux, je ne suis point dépourvu des bénédictions célestes ; j’aurais de la peine à me persuader que je protège en toi une tête coupable.

IPHIGÉNIE.

C’est le bienfait, ce n’est pas l’hôte, qui t’apporte la bénédiction.

THOAS.

Ce que l’on fait pour les impies n’est pas béni. Veuille donc mettre fin à to/i silence et à tes refus : ce n’est pas un homme injuste qui le demande. La déesse te remit dans mes mains ; comme tu étais sacrée pour elle, tu le fus pour moi : qu’à l’avenir sa volonté soit encore ma loi. Si tu peux espérer le retour dans ta famille, je t’affranchis de toute obligation ; mais, si le chemin t’est fermé pour toujours, et si ta race est bannie ou éteinte par .un affreux malheur, tu m’appartiens par plus d’une loi. Parle ouvertement, et, tu le sais, je tiendrai ma parole.

IPHIGÉNIE.

La langue se dégage à regret de son ancienne chaîne pour découvrir un secret longtemps gardé ;*car, une fois confié, il abandonne sans retour la sûre et profonde retraite du cœur ; il nuit ou il profite, selon qu’il plaît aux dieux. Écoute !… Je suis de la race de Tantale.

THOAS.

Tu prononces, sans t’émouvoir, un grand nom. Serait-il ton ancêtre, celui que le monde connaît comme l’antique favori des dieux ? Est-ce le Tantale que Jupiter admit à son conseil et à sa table ; dont les entretiens, pleins d’une vieille expérience, nourris d’une abondante sagesse, charmaient les dieux eux-mêmes, comme auraient fait les sentences des oracles ?

IPHIGÉNIE.

C’est lui ; mais les dieux ne devraient pas vivre avec les hommes comme avec leurs pareils : la race mortelle est beaucoup trop faible pour n’avoir pas le vertige, à cette hauteur inaccoutumée. 11 n’était ni lâche ni traître ; mais il était trop grand pour être l’esclave de celui qui lance le tonnerre, et, pour être son compagnon, il n’était qu’un homme. Sa faute aussi fut d’un homme. Le jugement fut rigoureux, et les poètes répètent dans leurs chants : * Son orgueil et sa perfidie le précipitèrent de la