Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/395

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On dit cependant que tu parus sous une double image, et te montras dans Troie et dans l’Egypte.

HÉlÈne.

Ne trouble pas absolument mes sens éperdus : à présent même je ne sais quelle je suis.

Phorcis.

On dit ensuite qu’échappé du spacieux royaume des mines, Achille, brûlant d’ardeur, s’unft encore à toi, qu’il avait autrefois aimée, contre tous les arrêts du destin.

HÉLÈNE.

Ombre vaine, je m’unis à lui, qui n’était qu’une ombre ainsi que moi. Ce fut un songe : ainsi le rapporte l’histoire elle-même. Je m’évanouis et deviens pour moi-même une ombre. (Elle tombe dans les bras de quelques-unes des chorétides.)

Le Chœur.

Silence, silence, ô toi, dont les regards, les paroles sont funestes ! Cette bouche horrible, édentée, que povfrrait-elle exhaler de son épouvantable gouffre ?

Car le méchant qui a les dehors de la bienfaisance, la rage du loup sous la toison de la brebis, m’est beaucoup plus effroyable que la gueule du chien à trois têtes. Nous sommes là, cherchant avec angoisse quand et comment et de quels lieux a pu se produire ce monstre perfide au regard pénétrant.

Car maintenant, au lieu de paroles abondantes en consolation, douces, bienveillantes et qui versent l’oubli, tu réveilles dans tout le passé le mal plutôt que le bien, et tu assombris à la fois la splendeur du présent et le rayon d’espérance qui doucement éclaire l’avenir.

Tais-toi ! tais-toi ! que l’âme de la reine, déjà prête à s’envoler, s’arrête encore, et maintienne la plus belle des formes que le soleil éclaira jamais. (Hélène est revenue à elle-même, et se tient debout au milieu du Chœur.)

Phorcis.

Sors des nuées fugitives, magnifique soleil de ce jour ;-sous le voile, déjà tu ravissais les yeux : maintenant tu règnes avec un éclat éblouissant. Toi-même, tu vois, d’un gracieux regard, .comme le monde se déploie devant toi. Bien qu’elles insultent à ma laideur, je connais pourtant la beauté.

HÉLÈNE.

Quand je reviens chancelante du vide, qui m’entourait dans le vertige, je voudrais bien me livrer au repos, car mes membres sont fatigués ; mais il sied aux reines, il sied même à tous les hommes de se posséder, de se raffermir, quelque menace qui les surprenne. .

Phorcis.

Te voilà devant nous dans ta grandeur, dans ta beaufé ; ton regard nous dit que tu commandes : que commandes-tu ? Parle.

HÉLÈNE.

Soyez prêtes à réparer le coupable retard causé par votre querelle. Hâtez-vous de préparer un sacrifice, comme le roi rne l’a ordonné.

PHORCIS.

Tout est prêt dans la maison, la coupe, le trépied, la hache tranchante, l’eau lustrale, l’encens : désigne la victime.

HÉLÈNE.

Le roi ne l’a pas désignée.

Phorcis. 

Il ne l’a pas fait connaître ? O fatale parole !

HÉLÈNE.

Quelle fatalité te surprend ?

Phorcis. Reine, c’est toi qui es désignée.

HÉLÈNE.

Moi ?

PHORCIS.