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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/42

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imaginé, pareil à l’ombre de l’ami qui n’est plus, passe devant moi vainement et me laisse une triple douleur.

ORESTE., qui s’est rapproché d’Iphigénie.

Si tu invoques les dieux pour toi et pour Pylade, ne prononce pas mon nom avec le vôtre : tu ne sauveras pas le criminel auquel tu t’associes, et tu partageras sa malédiction et son malheur.

IPHIGÉNIE.

Mon sort est fortement uni avec le tien.

ORESTE.

Non, non ! Laisse-moi marcher seul et sans suite chez les morts. Quand même tu envelopperais dans ton voile le coupable, tu ne le déroberais pas au regard de celles qui veillent sans cesse ; et ta présence, ô créature céleste, les écarte seulement et ne les chasse point. Elles n’osent, les téméraires, fouler de leurs pieds d’airain le sol du bois sacré, mais j’entends de loin çà et là leur effroyable rire. Ainsi les loups attendent autour de l’arbre sur lequel un voyageur s’est réfugié. Elles reposent campées là dehors, et, si je quitte ce bocage, alors elles se lèveront, secouant leurs chevelures de serpents, soulevant de toutes parts la poussière, et elles chasseront leur proie devant elles.

IPHIGÉNIE.

Oreste, peux-tu écouter une parole bienveillante ?

ORESTE.

Réserve-la pour un ami des dieux.

IPHIGÉNIE.

Ils te présentent un nouveau rayon d’espérance.

ORESTE.

A travers la fumée et la vapeur, je vois la pâle lueur du fleuve des morts éclairer ma route aux enfers.

IPHIGÉNIE.

Électre est-elle ton unique sœur ?

ORESTE.

Je n’ai connu qu’elle seule. Un bon destin, qui nous parut affreux, déroba l’aînée à propos aux malheurs de notre maison. Oh ! cesse de m’interroger, et ne te joins pas aux Furies. Avec une joie cruelle, elles souffrent sur la cendre de mon âme, et ne