Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IV.djvu/69

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consume à rappeler vainement l’ami qu’elle a perdu, l’ami soudainement enlevé. Moi-même, un soupçon m’a d’abord avertie de prendre garde que l’imposture d’un brigand ne me ravit d’un sur asile et ne me livrât à l’esclavage. Je les ai interrogés soigneusement ; je me suis informée de chaque circonstance ; j’ai demandé des signes, et maintenant mon cœur est tranquille. Vois ici, à sa main droite, cette marque, comme de trois étoiles, qui se montra le jour même de sa- naissance, et que le urètre expliqua par une action terrible, que cette main devait accomplir. Ce qui me persuade encore doublement, c’est la cicatrice qui lui partage en cet endroit le sourcil. Il était encore enfant, lorsque Electre, vive et imprudente comme elle était, le laissa tomber de ses bras. Il se heurta contre un trépied…. C’est lui !… Dois-je aussi te signaler, comme gages de mon assurance, la ressemblance de son père et l’intime allégresse de mon cœur ?

THOAS.

Et quand tes discours lèveraient tous mes doutes et enchaîneraient la colère dans mon sein, les armes devraient néanmoins décider entre nous : je ne vois point de paix. Ils sont venus, tu l’avoues toi-même, pour me ravir l’image sacrée de la déesse. Croyez-vous que je voie cela de sang-froid ? Le Grec tourne souvent son œil avide vers les trésors lointains des barbares, toison d’or, chevaux, belles femmes ; mais la violence et la ruse ne les ramenèrent pas toujours heureusement dans leurs foyers avec les biens conquis.

ORESTE.

O roi, l’image de la déesse ne doit pas nous diviser. Nous connaissons maintenant l’erreur dont un dieu nous enveloppa comme d’un voile, quand il nous ordonna de diriger ici notre course. Je lui demandais conseil pour me soustraire à la poursuite des Furies. Il répondit : « Ramène en Grèce à son frère la sœur, qui est retenue contre sa volonté dans le sanctuaire, sur le rivage de Tauride : la malédiction cessera. » Nous l’entendîmes de la sœur d’Apollon, et c’est toi, ma sœur, qu’il désignait. Les sévères liens sont rompus désormais ; tu es rendue aux tiens, sainte prêtresse. Touché de ta main, j’ai été guéri ; le mal m’a saisi, pour la dernière fois, dans tes bras avec toutes ses tortures ; il m’a ébranlé horriblement jusque dans la moelle de