guettait perfidement, lui et tous les trésors de ma vie. Avec une joyeuse ardeur, il se mit à la tête de son armée ; il laissa son cher fils sur le sein de la mère. Où l’enfant semblait-il plus en sûreté qu’à la place où les dieux l’avaient eux-mêmes déposé ? C’est là qu’à son départ il le laissa et lui dit : « Grandis et prospère, et viens, bégayant tes premiers mots, essayant tes premiers pas, sur le seuil, au-devant de ton père, qui reviendra bientôt heureux et vainqueur ! » Ce fut un vœu inutile.
ELPÉNOR.
Ta douleur me saisit, comme l’ardeur qui brille dans tes
yeux peut m’enflammer.
Antiope.
II tomba, dans le cours de sa victoire, accablé par une perfide embuscade. Alors mes larmes brûlantes baignèrent mon sein pendant le jour, pendant la nuit ma couche solitaire. Presser mon fils dans mes. bras, pleurer sur lui, était le soulagement de ma misère ; et lui, lui aussi, le voir arraché de mon cœur !… je ne pus le supporter, je ne le supporte pas encore.
ELPÉNOR.
Ne t’abandonne pas à la douleur, et permets que je te sois aussi quelque chose.
ANTIOPE.
0 femme imprévoyante, qui t’es ainsi toi-même anéantie et
toute ton espérance !
ElpÉnor.
Pourquoi t’accuser, quand tu n’es pas coupable ?
ANTIOPE.
On paye souvent trop cher une légère négligence. Je recevais de ma mère messages sur messages ; ils m’appelaient et m’invitaient à soulager ma douleur auprès d’elle. Elle voulait voir mon fils, qui était aussi la consolation de sa vieillesse. Les récits et les entretiens, et redire et rappeler les temps passés, devait ensuite affaiblir la profonde impression de mes souffrances. Je me laissai convaincre et je partis.
ELPÉNOR.
Dis-moi le lieu, dis-moi où se passa l’aventure.
ANTIOPE.
Tu connais les montagnes qui, depuis la mer, enferment le