Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/102

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vouloir se donner un air important, et sa lèvre supérieure prenait une expression désagréable. Nous causâmes beaucoup ; elle se trouvait partout sur son terrain, et observait fort bien les choses. Elle me demanda, par exemple, une fois quel arbre était cela. C’était un bel et grand érable, le premier que j’eusse rencontré dans tout mon voyage. Elle l’avait remarqué d’abord, et, comme il s’en présenta successivement quelques-uns, elle se félicita de pouvoir aussi distinguer cet arbre. Elle allait, disait-elle, à Botzen pour la foire, où sans doute je me rendais aussi. Si elle m’y rencontrait, il me faudrait lui acheter un cadeau de foire. Je le lui promis. A Botzen, elle se proposait aussi de mettre sa coiffe neuve, qu’elle s’était fait faire à Munich avec l’argent qu’elle avait gagné. Elle voulait, dit-elle, me la montrer d’avance. Elle ouvrit la boite, et je dus admirer avec elle la parure richement brodée et enrubannée. Une autre perspective nous réjouit tous deux ; elle m’assura que nous aurions le beau temps. Ils portaient avec eux leur baromètre. Quand le diapason montait, c’était signe de beau temps, et aujourd’hui il avait monté. J’accueillis le présage et nous nous séparâmes de très-bonne humeur, dans l’espérance de nous revoir bientôt.

Sur le Brenner, 8 septembre 1786, au soir.

Je suis enfin arrivé ici, comme malgré moi, à un point de repos, dans un lieu tranquille, tel que j’aurais pu le désirer. La journée a été de celles qu’on se rappelle longtemps avec plaisir. J’ai quitté Mittenwald à six heures. Un vent rigoureux a nettoyé et éclairci le ciel complètement. Le froid était de ceux qu’on ne permet qu’au mois de février. Et maintenant, à la clarté du soleil levant, les premiers plans, sombres, couverts de sapins, les roches grises qui s’y entremêlent, et, derrière, les plus hauts sommets couverts de neige, sur cet azur profond, offraient d’admirables tableaux qui changeaient sans cesse.

Prés de Scharnitz on entre dans le Tyrol. La frontière est fermée par un rempart, qui barre la vallée et s’appuie aux montagnes. Il est d’un bel effet. D’un côté, le rocher est fortifié ; de l’autre, il s’élève à pic. De Séefeld, la route devient toujours plus intéressante : si, jusque-là, elle n’a cessé de monter depuis Benedictbeuern, et si toutes les eaux cherchaient le bassin de