Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/141

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veut toujours être amusé, un des académiciens a eu l’heureuse idée de dire que les premiers orateurs lui avaient dérobé Palladio, et qu’il se proposait, en revanche, de préconiser Franceschini, le grand fabricant de soieries. Puis il se mit à exposer les avantages que l’imitation des études de Lyon et de Florence avait valus à cet habile industriel et, par lui, à la ville de Vicence, d’où il fallait conclure que l’imitation était bien supérieure à l’invention. Et ces choses furent dites si gaiement qu’elles provoquèrent des rires interminables. En général, ceux qui parlaient pour l’imitation étaient plus applaudis, parce qu’ils disaient des choses dont la foule avait ou pouvait avoir l’idée. Le public accueillit une fois avec de grands battements de mains un grossier sophisme, tandis qu’il n’avait pas senti beaucoup de bonnes et même d’excellentes choses en l’honneur de l’invention. Je m’applaudis d’avoir assisté à cette séance, et puis on est heureux de voir, après un si long temps, Palladio encore vénéré comme une étoile polaire et un modèle par ses concitoyens.

Vicence, 23 septembre 1786.

J’ai été ce matin à Tiene, qui se trouve au nord, vers les montagnes. On y construit un bâtiment neuf d’après un ancien plan, sur quoi il y aurait peu de chose à dire. On honore ici tout ce qui est du bon temps, et l’on est assez intelligent pour exécuter une construction neuve d’après un plan hérité. Le château est fort bien situé, dans une grande plaine, ayant derrière lui, sans chaîne interposée, les Alpes calcaires. De la maison coule, des deux côtés d’une chaussée tirée au cordeau, une eau vive, qui vient au-devant du visiteur et arrose les vastes rizières qu’on traverse.

Je n’ai vu encore que deux villes italiennes, et j’ai parlé à peu de gens, mais je connais déjà bien mes Italiens. Ils sont tels que les courtisans, qui se regardent comme les premières gens du monde, et qui, pour certains avantages, qu’on ne saurait leur dénier, peuvent se bercer à leur aise de cette flatteuse idée. Les Italiens me paraissent un très-bon peuple. Il suffit d’observer les enfants et les gens du commun, comme je les vois et puis les voir, leur étant livré sans cesse et voulant l’être. Et quelles figures! quelles physionomies!