Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/189

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les pierres. Il me semble que je suis comme Antée, qui se sent toujours fortifié à mesure qu’on le met plus en contact avec la terre, sa mère. Je suis allé à cheval à Paderno, où l’on trouve le spath pesant de Bologne, avec lequel on prépare ces petits gâteaux, qui, étant calcinés, éclairent dans l’obscurité, si on les a auparavant exposés à la lumière : on les nomme ici tout uniment fosfori.

La nuit.

Que j’aurais de choses à dire encore, si je voulais avouer tout ce qui m’a passé par la tôte dans ce beau jour 1 Mais mon désir est plus fort que mes pensées. Je me sens entraîné en avant par une force irrésistible. Ce n’est qu’avec peine que je me recueille dans le présent. Et il semble que le ciel m’exauce. On m’annonce un voiturin qui va droit à Rome. Ainsi donc j’en prendrai la route après-demain, c’est résolu. Il faut par conséquent qu’aujourd’hui et demain, je mette un peu d’ordre dans mes affaires.

Logano, dans les Apennins, 21 octobre au soir.

Si je me suis arraché de Bologne aujourd’hui ou si j’en ai été chassé, c’est ce que je ne saurais dire. Bref, j’ai saisi avec ardeur une occasion de partir. Me voici dans une misérable auberge, en compagnie d’un officier du pape, qui se rend à Pérouse, sa ville natale. Quand je me plaçai auprès de lui dans la voiture à deux roues, je lui dis, par forme de conversation, qu’en ma qualité d’Allemand, j’étais accoutumé à la société des militaires et que j’étais charmé d’avoir un officier du pape pour compagnon de voyage. « Ne trouvez pas mauvais que je vous le dise, me répondit-il, vous pouvez fort bien avoir du goût pour l’état de soldat, car j’entends dire qu’en Allemagne tout est militaire. Pour moi, quoique notre service soit très-facile, et que je puisse vivre fort commodément à Bologne, où je suis en garnison, cependant je voudrais être délivré de cet habit et administrer le petit bien de mon père. Mais je suis le cadet, et il faut que je me résigne. »

, Giredo, 22 octobre, au soir.

~, Voici encore un petit nid dans les Apennins. Je m’y trouve très-heureux, cheminant où mes désirs m’appellent. Aujourd’hui se sont joints à nous un monsieur et une dame à cheval.