Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/195

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

verrait de tous côtés. La disposition des rues est peut-être antique, car elles suivent la figure et la pente de la montagne. Le temple n’est pas au milieu de la place, mais il est situé de telle sorte qu’il présente un beau raccourci au voyageur qui vient de Rome. Il ne faudrait pas dessiner l’édifice seulement, mais aussi son heureuse situation.

Je ne pouvais non plus assez admirer dans la façade l’ingénieuse combinaison du travail de l’artiste. L’ordre est le corin-1 thien ; les entre-colonnes sont d’un peu plus de deux modules. Le pied des colonnes et les plinthes semblent reposer sur des piédestaux ; mais ce n’est qu’une apparence, car le socle est coupé cinq fois, et, chaque fois, s’élèvent entre les colonnes cinq degrés, par où l’on arrive à une plate-forme sur laquelle proprement les colonnes reposent, et d’où l’on entre dans le temple. Couper le socle était ici une témérité parfaitement à sa place ; car, le temple étant bâti contre la montagne,l’escalier aurait dû être porté beaucoup trop en avant, et il aurait resserré la place. Combien de marches avaient encore été posées audessous, c’est ce qu’on ne peut déterminer ; elles sont, à l’exception d’un petit nombre, enfouies sous le pavé. Je me suis arraché à regret à cette contemplation, et je me suis promis d’appeler l’attention des architectes sur cet édifice, afin qu’on nous en donne un plan exact, car j’ai pu remarquer ici une fois de plus combien la tradition est une chose mauvaise : Palladio, qui avait toute ma confiance, donne, il est vrai, le dessin de ce temple, mais il ne peut l’avoir vu lui-même : il pose de véritables piédestaux sur la plate-forme, ce qui donne aux colonnes une élévation démesurée, et produit une masse énorme, choquante, palmyrienne, tandis qu’en réalité on trouve un objet paisible, gracieux, qui satisfait l’œil et la pensée. Ce qui s’est développé en moi par la contemplation de cet ouvrage est inexprimable et produira des fruits permanents.

Par une admirable soirée, je descendais la voie romaine, dans le calme d’esprit le plus heureux, lorsque j’enlendis derrière moi des voix rudes, violentes, de gens qui disputaient entre eux. Je soupçonnai que ce pouvait être les sbirres que j’avais déjà remarqués dans la ville. Je poursuivis tranquillement