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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/222

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ce que c’est qu’un bourgeon. L’arbousier (arbutus unedo) refleurit maintenant, tandis que ses derniers fruits mûrissent ; l’oranger se montre en fleurs, avec des fruits mûrs et demimûrs. Mais on couvre l’oranger, lorsqu’il n’est pas environné de bâtiments. Le cyprès, cet arbre vénérable, quand il est vieux et d’une belle croissance, donne beaucoup à penser. Je visiterai prochainement le jardin botanique, et j’espère y apprendre bien des choses.

En général, on ne peut rien comparer avec la nouvelle vie que procure à un homme qui pense l’observation d’un pays nouveau. Bien que je sois toujours le même, il me semble que je suis changé jusqu’à la moelle des os. Cette fois, je finis, et je remplirai ma prochaine lettre de désastres, de meurtres, de tremblements de terre et de catastrophes, afin que les ombres ne manquent pas à mes tableaux.

Rome, 3 décembre 1786.

Jusqu’ici la température a varié d’ordinaire de six en six jours ; deux jours superbes, un nébuleux, deux ou trois jours de pluie, et derechef le beau" temps. Je cherche à utiliser pour le mieux chacun de ces jours selon sa nature. Cependant ces objets magnifiques sont encore pour moi comme de nouvelles connaissances. On n’a pas vécu avec eux, on ne s’est pas pénétré de leur individualité. Quelques-uns nous attirent avec tant de force, qu’on en devient quelque temps indifférent et même injuste envers les autres : ainsi, par exemple, le Panthéon, l’Apollon du Belvédère, quelques têtes colossales, et, dernièrement, la chapelle Sixtine, se sont tellement emparés de mon esprit, que je ne voyais presque pas autre chose. Mais comment veut-on, petit comme on est, et accoutumé aux petites choses, s’égaler à cette noblesse, cette immensité, cette perfection ? Et quand cela pourrait réussir jusqu’à un certain point, une foule énorme se presse de tous côtés, se présente à vous à chaque pas, et chacun réclame pour soi le tribut de votre attention. Comment se tirer de là ? Le seul moyen est de laisser patiemment l’effet se produire et se développer, et d’étudier avec soin les travaux que d’autres ont faits pour notre avantage.