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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/250

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l’ouvrage fût amené à un certain point avant notre départ pour Naples, et il faut du temps seulement pour couvrir de couleur une si grande toile.

Rome, 19 février 1787.

Le temps est toujours d’une beauté inexprimable. J’ai passé bien à regret cette journée au milieu des fous. A la tombée de la nuit, je me suis récréé dans la villa Médicis. Nous sortons de la nouvelle lune : à côté du mince croissant, je pouvais distinguer presque à l’œil nu tout le disque sombre ; je le pouvais parfaitement avec la lunette. Sur la terre flotte une vapeur du jour, qu’on ne connaît que par les tableaux et les dessins de Claude Lorrain ; mais il est difficile de voir dans la nature le phénomène aussi beau qu’on le voit ici. Je vois maintenant sortir de terre et s’épanouir sur les arbres des fleurs que je ne connais pas encore. Les amandiers fleurissent, nouvelle apparition aérienne, parmi les sombres chênes verts. Le ciel est comme un taffetas bleu clair, illuminé par le soleil : que sera-ce à Naples ! Nous voyons déjà verte presque toute la campagne. Tout cela stimule mes fantaisies botaniques ; je suis en voie de découvrir de nouveaux et admirables rapports : c’est à savoir comment la nature,ce prodige qui ne ressemble à rien, développe du simple la plus grande diversité.

Le Vésuve jette des pierres et de la cendre, et, la nuit, on voit son sommet enflammé. Que la nature agissante veuille nous donner un fleuve de lave ! A présent je puis à peine attendre le moment de prendre ma part de ces grands objets.

Rome, 21 février 1787.

Enfin nous sommes au bout des extravagances ! Les innombrables lumières d’hier au soir étaient encore un spectacle fou. Il faut avoir vu le carnaval à Rome pour être délivré complètement du désir de le revoir. Il n’y a rien là qu’on puisse écrire. Un récit de vive voix amuserait peut-être. On souffre, à sentir que la véritable joie est absente, et que l’argent manque pour donner l’essor au peu de gaieté que ces gens peuvent avoir encore. Les grands sont économes et se tiennent en arrière ; la classe moyenne est pauvre, le peuple, indolent. Les derniers jours, c’était un vacarme incroyable, mais point de véritable