Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/266

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rent à Montesquieu. Un rapide coup d’œil jeté sur son livre, qu’ils m’ont prêté comme une précieuse relique, m’a fait soupçonner qu’il se trouve là des pressentiments sibyllins du juste et du bon, qui doit ou qui devrait se réaliser un jour, fondés sur la sérieuse méditation de l’histoire et de la vie.

Il est beau de voir une nation posséder un tel patriarche. Les ouvrages de Hamann seront un jour un code pareil pour les Allemands.

Naples, 6 mars.

Tischbein a surmonté sa répugnance pour me tenir fidèle compagnie, et il est monté aujourd’hui avec moi sur le Vésuve.

Un artiste comme lui, qui s’occupe toujours et uniquement des formes les plus belles, chez les hommes et les animaux, qui même humanise par le sentiment et par le goût les objets informes, les rochers, les paysages, doit trouver abominable un informe, horrible entassement, qui se dévore lui-même sans cesse et déclare la guerre à tout sentiment du beau.

Nous sommes partis dans deux calèches, ne nous sentant pas en état de nous démêler au milieu du tumulte de la ville, si nous conduisions nous-mêmes les chevaux. Le cocher ne cesse de crier place ! place ! afin que les ânes qui portent du bois ou des balayures, les calèches roulantes, les hommes qui se traînent sous un fardeau ou qui se promènent, les enfants, les vieillards, se tiennent sur leurs gardes, se rangent de côté, et qu’on puisse sans obstacle continuer le grand trot.

Le chemin à travers les derniers faubourgs et les jardins avait déjà quelque chose de plutonien. Comme il n’a pas plu depuis longtemps, les feuilles, toujours vertes par nature, étaient couvertes d’une épaisse poussière cendrée ; les toits, les corniches, tout ce qui présentait une surface plane avait de même passé au gris, si bien que le ciel, d’un bleu magnifique, et le soleil, qui nous dardait sa puissante lumière, témoignaient seuls que l’on cheminait encore parmi les vivants. Nous fûmes reçus au pied de la pente escarpée par deux guides, l’un d’âge mûr, l’autre jeune, tous deux robustes.

Le premier me traîna, le second traîna Tischbein en haut de la montagne. Je dis qu’ils nous traînaient ; en effet le guide se