Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/279

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quelques hachures, après quoi, avec un large pinceau, il met les ombres vigoureusement, si bien que la tête présente un beau relief. Les assistants admirèrent la facilité de ce travail et y prirent un grand plaisir. Tout à coup les doigts leur démangent ; ils veulent peindre aussi comme cela ; ils prennent les pinceaux et se peignent des barbes l’un à l’autre et se barbouillent le visage. N’y a-t-il pas là quelque chose des mœurs primitives ? Et c’était une société cultivée, c’était chez un homme qui sait lui-même dessiner et peindre avec talent ! Il faut avoir vu ce peuple pour s’en faire une idée.

Caserte, mercredi 14 mars.

Chez Hackert, dans sa délicieuse demeure, qui lui est assignée dans le vieux château. Le nouveau est un immense palais, un Escurial, bâti en carré, avec plusieurs cours, enfin assez royal. Situation d’une beauté extraordinaire, dans la plaine la plus fertile du monde. Cependant les jardins s’étendent jusqu’aux montagnes. Un aqueduc y amène toute une rivière pour arroser le château et les environs, et toute cette masse d’eau peut être jetée sur des rochers artistement disposés et former une cascade magnifique. Les jardins sont beaux et s’harmonisent trèsbien avec une contrée qui est tout entière un jardin. Le château, véritablement royal, m’a paru trop peu animé ; nous ne pouvons, nous autres, nous trouver à notre aise dans ces immenses espaces vides. Le roi paraît sentir quelque chose de pareil, car il s’est arrangé dans la montagne un établissement on les murs serrent les hôtes de plus près, et qui est disposé pour

la chasse et les plaisirs.

Caserte, jeudi 15 mars 1787.

L’appartement de Hackert dans le vieux château est très-confortable. Il est assez spacieux pour lui et pour ses hôtes. Hackert s’occupe sans cesse à dessiner ou à peindre ; néanmoins il est resté sociable, et il sait attirer les hommes à lui en faisant de chacun son écolier. Il a su me gagner comme les autres par la patience qu’il montre pour ma faiblesse ; il recommande avant tout la fermeté du dessin, ensuite une distribution nette et précise de la lumière et des ombres. Quand il peint au lavis, trois teintes sont toujours prêtes, et, comme il part du fond pour ar-