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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/373

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mais j’avais éprouvé que, avec les meilleures résolutions, pendant les premiers jours, où un endroit est encore nouveau pour nous et les relations inconnues, nous tombons d’ordinaire dans certaines fautes, qui sembleraient impardonnables, si la fatigue du voyage, la distraction causée par les nouveaux objets, le souci de trouver un logement passable et de s’assurer les moyens de continuer sa route, ne pouvaient servir d’excuse. Là-dessus il me demanda combien de temps je me proposais de rester à Messine. Je répondis que je voudrais y rester longtemps, pour lui prouver, par une scrupuleuse obéissance à ses ordres et à ses commandements, ma reconnaissance de la faveur qu’il m’accordait. Après une pause, il me demanda ce que j’avais vu à Messine. Je contai en peu de mots l’emploi de ma matinée, en faisant quelques observalions, et j’ajoutai que j’avais surtout admiré l’ordre et la propreté des rues de cette ville détruite. Et véritablement c’était admirable de voir comme toutes les rues étaient nettoyées de ruines : on avait rejeté les décombres en dedans des murs écroulés ; on avait rangé les pierres le long des maisons et, par là, dégagé le milieu des rues, ainsi rendues libres au commerce et à la circulation. Je pouvais donc, avec vérité, en faire ma cour au brave homme, et lui assurer que tous les habitants de Messine se déclaraient, avec reconnaissance, redevables de ce bienfait à sa sollicitude.

« Est-ce qu’ils le reconnaissent ? dit-il en grommelant. Ils ont cependant assez crié d’abord contre la dureté avec laquelle on les contraignait pour leur avantage. »

Je parlai des vues sages du gouvernement, des desseins élevés, qui ne pouvaient être compris et appréciés que plus tard, et autres réflexions pareilles. Il me demanda si j’avais vu l’église des jésuites, et comme je lui dis que non, il me promit de me la faire voir avec toutes ses dépendances.

Pendant cette conversation, interrompue par quelques pauses, je voyais le reste de la société dans le plus profond silence, et ne faisant que les mouvements nécessaires pour porter les morceaux à la bouche. Quand la table fut levée et qu’on eut servi le café, tous se tinrent, comme des poupées de cire, rangés contre les murs. J’allai droit au chapelain de la maison, qui devait me faire voir l’église, afln de le remercier de sa peine