Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/375

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doute bien payé par le consul, leur avait rapporté, en se livrant à mille bouffonneries, l’heureuse issue de l’aventure. Rendus à la joie, ils s’étaient mis à ma recherche, dès qu’ils avaient su que le gouverneur voulait bien me faire ouvrir l’église.

Cependant nous étions devant le maître au tel, écoutant l’explication des vieilles curiosités. Des colonnes de lapis-lazuli, qui semblaient cannelées par des baguettes bronzées, dorées, des pilastres et des panneaux incrustés à la manière florentine, les magnifiques agates de Sicile en surabondance, le bronze et la dorure se rencontrant toujours et unissant tout. Mais c’était une drôle de fugue en contre-point, que les discours entrecoupés du consul, de Kniep et du démonstrateur : les premiers contant les embarras de l’aventure, l’autre m’expliquant ces raretés magnifiques encore bien conservées, et chacun pénétré de son sujet. J’avais ainsi le double plaisir de sentir la valeur de mon heureuse délivrance et de voir employés-d’une manière architecturale les produits des montagnes de Sicile, pour lesquels je m’étais déjà donné tant de peine.

Le consul ne cessait pas de m’éclairer sur le sort dont j’avais été menacé. Le gouverneur, mécontent de lui-même, et fâché que j’eusse été dès l’entrée le témoin de sa conduite violente envers le quasi-Maltais, avait résolu de me faire des honneurs particuliers, et il s’élait tracé en conséquence un plan dont l’exécution avait été d’abord contrariée par mon absence. Après une longue attente, le despote s’était enfin mis à table, sans pouvoir dissimuler son impatience et son mécontentement, et la compagnie avait redouté une scène soit à mon arrivée soit au sortir de table. Cependant le sacristain tâchait toujours de reprendre la parole ; il ouvrait les armoires secrètes, construites dans de belles proportions, ornées avec goût et même avec magnificence. Il y restait encore quelques meubles d’église, en rapport avec l’ensemble par la forme et les ornements ; mais je ne voyais aucun objet d’or ou d’argent, aucune véritable œuvre d’art ancienne ou nouvelle.

Au moment où finissait notre fugue italienne-allemande (car le père et le sacristain psalmodiaient dans une langue, Kniep et le consul dans l’autre), un officier, que j’avais vu à table, se joignit à nous. Il apparlenait à la suite du gouverneur. Son