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Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/389

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est sans aucun reproche, mais qu’elle semble avoir fermement résolu de rompre en visière à toutes les relations sociales par ses discours sans frein. On remarquait plaisamment qu’aucune censure ne laisserait passer ses discours, s’ils étaient mis par écrit, parce qu’elle n’avance absolument rien qui ne blesse la religion, l’État ou les mœurs. On racontait d’elle les plus singulières et les plus jolies histoires. En voici une, que nous citerons, quoiqu’elle ne soit pas des plus décentes.

Peu de temps avant le tremblement de terre qui a dévasté la Calabre, elle s’y était retirée dans les terres de son mari. On avait construit dans le voisinage du château une baraque d’un seul étage, posée immédiatement sur le sol, et, du reste, tapissée, meublée et convenablement arrangée. Aux premiers signes du tremblement de terre, elle s’y réfugia. Elle était assise sur le sofa, occupée à faire des nœuds, devant elle une petite table à ouvrage, et, vis-à-vis, un abbé, son vieux chapelain. Tout à coup le sol ondoie, la baraque s’enfonce du côté de la dame, tandis que l’autre s’élève, en sorte que l’abbé et la petite table sont aussi soulevés. « Fi ! s’écria-t-elle, la tête appuyée contre la paroi qui enfonce, cela sied-il à un homme respectable ? On dirait, à vos façons, que vous voulez tomber sur moi. Gela choque toutes les bienséances. » Cependant la baraque s’était assise de nouveau, et la dame ne pouvait assez rire de la figure folle et convoiteuse que le bon vieillard avait dû faire, et cette plaisanterie parut lui faire oublier complètement toutes les calamités et même les grandes pertes qu’avaient essuyées sa famille et tant de milliers d’hommes. Heureux et bizarre caractère, qui sait trouver le mot pour rire au moment où la terre menace de l’engloutir.

Naples, 26 mai 1787.

Tout bien considéré, c’est une bonne chose qu’il y ait tant de saints : chaque croyant peut choisir le sien, et s’adresser avec une pleine confiance à celui qui lui plaît le mieux. C’était aujourd’hui la fête du mien, et je l’ai célébrée avec une joyeuse ferveur, selon son caractère et sa doctrine. Philippe Néri a laissé une grande renommée et en même temps un joyeux souvenir. On est édifié et réjoui, lorsqu’on entend parler de lui et de sa haute piété. Mais on entend aussi raconter beaucoup de