Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/441

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Souvenirs du mois de septembre.

Le 3 septembre a été, cette année, à plus d’un titre un jour mémorable pour moi. C’était le jour natal de mon prince, qui a su répondre par tant de faveurs diverses à mon dévouement fidèle ; c’était aussi l’anniversaire de mon hégire de Carlsbad….

J’ai pu voir à loisir les beaux dessins à la plume et les aquarelles que M. Cassas, l’architecte français, a rapportés de son voyage en Orient. Le soir, nous allâmes dans les jardins du Mont-Palatin, qui ont rendu fertiles et agréables les espaces entre les ruines du palais des Césars. Là, sous des arbres magnifiques, dans une salle de verdure, autour de laquelle on avait disposé des fragments de chapiteaux ornés, de colonnes lisses et cannelées, des bas-reliefs brisés et d’autres objets pareils, qui formaient un vaste cercle, comme ces tables, ces chaises, ces bancs, qu’on a coutume de placer en plein air pour une joyeuse réunion, nous jouîmes à plaisir d’une soirée ravissante ; et en contemplant, au coucher du soleil, avec des yeux bien préparés, une vue si variée, nous dûmes avouer que ce tableau était encore bon à voir, après tous ceux qu’on nous avait montrés ce jour-là. Dessiné et peint dans le goût de Cassas, il aurait excité l’admiration de tout le monde. C’est ainsi que les travaux de l’artiste disposent peu à peu notre œil, de sorte que la nature nous trouve toujours plus sensibles à ses beautés.

Mais, le lendemain, ce fut pour nous un sujet de plaisanteries de nous voir appelés dans un recoin vulgaire, indigne, par ce que nous avions vu si grand, si vaste, dans les dessins de l’artiste. Les magnifiques monuments de l’Egypte nous rappelèrent le puissant obélisque érigé dans le champ de Mars par Auguste, et qui, brisé maintenant, entouré d’une paroi de planches, attendait dans un-sale recoin l’audacieux architecte qui lui commanderait de ressusciter (N. B. Il est maintenant relevé sur la place du Monte Citorio, et il est redevenu le style d’un cadran solaire). Cet obélisque est du plus pur granit égyptien, semé partout d’élégantes et naïves figures, mais dans le style connu. En observant de près la pointe, autrefois dressée dans l’air, nous fûmes frappés de voir sur les biseaux sphinx sur sphinx,