Page:Goethe - Œuvres, trad. Porchat, tome IX.djvu/478

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avant le septième. C’est une chose étrange de faire ainsi la summa summarwn de sa vie. Qu’il reste donc peu de traces d’une existence !

On me fatigue ici avec les traductions de mon Werther ; on me les communique et l’on me demande laquelle est la meilleure, et si tout cela est vrai. C’est un fléau qui me poursuivrait

jusqu’aux Indes.

Rome, 9 février 1788.

Les fous ont fait encore lundi et mardi un beau tapage, mardi soir surtout, où la fureur des moccoli était au comble. Mercredi on a remercié Dieu et l’Église pour le carême. Je ne suis allé à aucun festin (c’est ainsi qu’ils nomment les redoutes). Je travaille autant que ma tête y peut suffire. Le cinquième volume étant achevé, je vais passer au sixième aussitôt que j’aurai terminé quelques travaux sur les arts. J’ai lu ces jours-ci l’ouvrage de Léonard de Vinci sur la peinture, et je comprends maintenant pourquoi je n’ai jamais pu y comprendre un mot.

Oh ! que je trouve heureux les spectateurs ! Ils se croient habiles, ils sont contents d’eux ; il en est de même des amateurs, des connaisseurs. Tu ne saurais croire combien ce peuple est insoucieux, tandis que le bon artiste demeure toujours découragé. J’entendais l’autre jour, avec un dégoût que je ne puis exprimer, un monsieur qui ne travaille pas lui-même formuler ses jugements. Un pareil discours me met sur-le-champ mal à mon aise comme la fumée du tabac.

Angélique s’est donné le plaisir d’acheter deux tableaux, l’un du Titien, l’autre de Paris Bourdon, tous les deux fort cher. Comme elle est riche et ne dépense pas ses revenus, qu’elle les augmente chaque année par son travail, elle fait bien de se procurer ces jouissances, faites pour stimuler son zèle d’artiste. Dès qu’elle a eu ces tableaux chez elle, elle a commencé à peindre dans une nouvelle manière, pour essayer comment on pourrait s’approprier certaines qualités de ces maîtres. Elle est infatigable, non-seulement à travailler, mais ausfi à étudier. C’est un grand plaisir que de voir avec elle les œuvres d’art.

Kayser aussi travaille en digne artiste. La musique d’Egmont avance beaucoup. Tout ce que j’ai entendu me semble bien